Film sur les missions et activités de la BCL
La Banque centrale du Luxembourg au sein de la zone euro
Discours de Monsieur Yves Mersch, Président de la Banque centrale du Luxembourg à l'occasion de la 44ème Journée de l'ingénieur
Luxembourg, 8 février 2003
Seule la parole prononcée fait foi
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier les organisateurs de m'avoir invité à cette 44 ème Journée de l'ingénieur. Il m'est un plaisir de me retrouver devant une assemblée représentant un métier qui de tout temps a caractérisé le pragmatisme. Depuis la nuit des temps, il y a les optimistes, ceux pour qui le verre est à moitié plein et les pessimistes, ceux pour qui le verre est à moitié vide. Puis, il y a les ingénieurs, ceux pour qui le verre est deux fois trop grand. Ce pragmatisme constitue sans aucun doute une connivence avec le métier de banquier central.
La science, que vous façonnez, interagit de deux manières avec la sphère des banques centrales. Tout d'abord, les banques centrales appliquent les nouvelles technologies dans le cadre de leurs activités principales. Ainsi, la technologie de pointe contribue à l'exécution de la politique monétaire, au cheminement des flux monétaires, aux règlements des opérations sur titres, à la compilation et à la diffusion de statistiques, à l'impression et la mise en circulation des billets ou encore au transfert et au traitement de l'information, tout cela sur fond de deux attributs s'inscrivant au centre des préoccupations des banques centrales : l'efficacité et la sécurité. Ensuite, la technologie influe sur l'environnement social, économique et financier. La technologie transforme les habitudes de consommation, élargit l'espace et redéfinit les conditions d'action des agents économiques, étend l'éventail des instruments financiers de plus en plus complexes. L'exubérance irrationnelle des marchés, fondée sur la scission entre le progrès non borné de la technologie et les anticipations rationnelles des profits générés, s'est avérée être un phénomène destructeur de cette nouvelle économie et un défi pour la régulation économique et financière. Le village global de McLuhan est économique et financier, la vitesse électronique est au coeur des mutations en cours. Par conséquent, les missions des banques centrales, ayant dans leurs attributions principales la stabilité des prix et la stabilité financière, deviennent plus complexes tout en gagnant en ampleur.
Le sujet dont on m'a invité de vous entretenir aujourd'hui porte sur le rôle de la Banque centrale du Luxembourg (BCL) au sein de la zone euro. Membre aujourd'hui du système européen de banques centrales (SEBC), composé des banques centrales nationales (BCN) des 15 Etats membres de l'Union européenne (UE) et de la Banque centrale européenne (BCE), la BCL affiche une existence récente, datant du 1 er juin 1998, concomitante à celle de la BCE. La BCL est la seule banque centrale dont la naissance est inscrite dans le Traité. Jusqu'alors, le Luxembourg ne disposait pas de banque centrale, déléguant les charges incombant à une telle institution à la Banque nationale de Belgique (BNB). Dans le cadre de l'association monétaire greffée sur l'Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) conclue entre le Luxembourg et la Belgique en 1921, la BNB avait instauré une succursale dès 1935 à Luxembourg. La création de la BCL n'a toutefois pas été une création ex nihilo, venant en remplacement de l'Institut monétaire luxembourgeois (IML), tel qu'indiqué dans le Traité.
Alors que la mission principale de la BCL consiste en la participation à l'exécution des missions du SEBC en vue d'atteindre ses objectifs, elle exerce également les tâches qui lui sont confiées par sa propre loi organique ou par d'autres textes législatifs, réglementaires ou conventionnels. La BCL est, de par cette structure institutionnelle, une tête de Janus opérant aussi bien à un niveau supranational, celui de la zone euro, qu'à un niveau national.
Dans une première partie, je commencerai par présenter les missions fondamentales de l'Eurosystème, terminologie artificielle sans personnalité juridique mais déterminant les contours de la zone monétaire au sein du SEBC, et le rôle joué par la BCL en son sein. La description de la participation de la BCL aux travaux du SEBC ne pourra pas être exhaustive, tant les domaines couverts, souvent de nature technique, sont vastes. Concrètement, il existe treize comités différents, ayant tous pour but in fine de fournir au Conseil des gouverneurs une information circonstanciée lui permettant de prendre ses décisions dans des conditions optimales. Ils couvrent les domaines suivants : comptabilité, surveillance bancaire, budget, communication externe, systèmes d'information, audit interne, relations internationales, juridique, opérations de marché, politique monétaire, systèmes de paiement et de règlement-titres et statistiques. A ces comités s'ajoutent un ensemble de groupes de travail et de cellules formant un réseau comitologique de quelque 90 entités, la BCL participant à chacune d'entre elles avec un nombre de 207 agents au 1 er janvier 2003.
Je me cantonnerai donc à vous présenter l'objectif principal de l'Eurosystème, la stabilité des prix, la définition et l'exécution de la politique monétaire, son rôle en tant que contributeur à la stabilité financière ainsi que son rôle tenu dans le domaine des signes monétaires.
Dans une seconde partie, j'exposerai les autres missions assurées par la Banque.
La participation de la BCL à l'exécution des missions de l'Eurosystème
L'Eurosystème, composé des BCN des pays ayant adopté l'euro et de la BCE, a plusieurs missions fondamentales : la définition et la mise en oeuvre de la politique monétaire, la conduite des opérations de change, la détention et la gestion des réserves officielles de change des Etats membres, ainsi que la promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiement. En outre, il contribue à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la stabilité du système financier. Il assure aussi la collecte des informations statistiques nécessaires à l'exécution de ses missions et l'émission de billets de banque dans la zone euro. Ajoutons qu'en sus, la BCE est consultée sur tout acte communautaire proposé dans les domaines relevant de sa compétence. Elle est également consultée par les autorités nationales sur tout projet de réglementation dans les domaines relevant de sa compétence. La BCE peut enfin prendre l'initiative d'émettre un avis, aussi bien au niveau communautaire qu'au niveau national, toujours sous la contrainte de son domaine de compétence.
Objectif principal : la stabilité des prix
Alors que les missions incombant à l'Eurosystème sont multiples, son objectif principal est unique, la stabilité des prix. Néanmoins, sans préjudice de l'objectif principal, l'Eurosystème apporte également son soutien aux politiques économiques générales de la Communauté, le tout dans le respect d'un cadre global qui est celui d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant l'allocation efficace des ressources. Permettez-moi tout d'abord de préciser la notion de stabilité des prix avant d'expliquer comment s'articule cet objectif principal avec celui du soutien aux politiques économiques générales.
L'objectif principal de l'Eurosystème étant la stabilité des prix, il convient tout d'abord de s'interroger quant aux arguments justifiant une telle approche :
- Dans un environnement de stabilité des prix, le marché alloue les ressources de manière efficiente. En effet, la variabilité des prix complique l'évaluation des prix. Cette incertitude accentue l'information imparfaite et augmente la probabilité de sous-optimisation dans les décisions individuelles des agents, autrement dit la probabilité d'une allocation non efficiente des ressources ;
- Les taux d'intérêt à long terme incorporent une prime de risque d'inflation. Si les marchés anticipent une inflation importante, celle-ci est intégrée sous forme de prime, engendrant une hausse des taux d'intérêt et conséquemment un renchérissement des conditions de refinancement rendant l'investissement plus coûteux. Ainsi, une politique de stabilité des prix crédible, axée sur le moyen à long terme, permet un ancrage concomitant des anticipations, baissant les taux d'intérêt à long terme et favorisant par conséquent l'investissement, la croissance et l'emploi ;
- La limitation de l'érosion monétaire permet de conserver le pouvoir d'achat des agents économiques, favorisant la consommation, l'investissement et par ricochet la croissance et l'emploi.
Un des éléments clé lié à la notion de stabilité des prix est la crédibilité. Afin d'asseoir sa crédibilité par rapport à son objectif principal, le Conseil des gouverneurs de la BCE, organe de décision décidant de l'orientation de la politique monétaire unique et composé des six membres du Directoire de la BCE et des douze gouverneurs des BCN de la zone euro, a décidé de quantifier la stabilité des prix. De ce fait, la stabilité des prix est-elle définie comme étant une progression annuelle de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieure à 2% pour l'ensemble de la zone euro. La stabilité des prix s'inscrit dans une perspective de moyen terme. La quantification de l'objectif principal permet par conséquent aux agents économiques de faciliter leur appréciation de la performance de l'Eurosystème dans l'atteinte de son objectif principal. Le fait que la stabilité des prix se définisse par rapport à l'ensemble de la zone euro implique que le Conseil des gouverneurs n'agit pas en fonction de taux d'inflation existant dans les différents pays. Aussi, la perspective du moyen terme souligne-t-elle que la politique monétaire n'a pas d'emprise sur des éléments constitutifs de volatilité à court terme des prix, tel que par exemple le prix du pétrole. Elle souligne également que l'impact d'une modification du taux d'intérêt officiel sur les prix se fait par le truchement d'un mécanisme de transmission avec un décalage dans le temps d'en moyenne 12 à 18 mois. Subséquemment, le dépassement dans le court terme du seuil de 2% ne constitue-t-il en aucun cas un déclencheur d'intervention automatique sur le taux d'intérêt officiel déterminé par le Conseil des gouverneurs. Finalement, le terme de « progression annuelle » dans la définition de la stabilité des prix exclut de manière symétrique l'acceptation de la déflation, caractérisée par une diminution durable et importante des prix, situation tout aussi néfaste que connaît actuellement le Japon.
Au mois de décembre 2002, l'IPCH a affiché une progression annuelle de 2,3% et devrait descendre en dessous de la barre des 2% dans les mois à venir. Alors que cette progression est compatible avec l'objectif que s'est fixé le Conseil des gouverneurs, le différentiel actuel important entre l'inflation mesurée et l'inflation perçue, c'est-à-dire ressentie par les agents économiques, est regrettable. L'introduction de l'euro fiduciaire a indubitablement contribué à la progression des prix. Cet effet a été évalué pour le premier semestre 2002 à un maximum de 0,2% pour l'ensemble de la zone euro. Pour le Luxembourg, une étude menée conjointement par la BCL et le Statec a chiffré cet effet cumulé entre janvier 2001 et juillet 2002 à un maximum de 0,74% pour l'IPCH. Pour l'indice des prix à la consommation national (IPCN), filtrant la consommation des non-résidents et utilisé comme indicateur à la base du mécanisme d'indexation, l'effet cumulé maximum sur la même période a été évalué à 0,67%. Globalement, la progression réelle des prix au sein de la zone euro est sans aucune mesure avec l'inflation perçue. Cette distorsion est préjudiciable, biaisant aussi bien les décisions d'investissement que les négociations salariales car basées sur des perceptions erronées.
La stabilité des prix est un objectif essentiel dans les missions de toute banque centrale moderne, mais n'est pas classé de la même manière dans chaque banque centrale. Alors qu'il constitue l'objectif principal de l'Eurosystème, aux Etats-Unis par exemple, il est considéré à pied d'égalité par le Système fédéral de réserve avec l'objectif d'emploi maximum et des taux à long terme modérés. Dans l'articulation de notre objectif principal avec le soutien aux politiques économiques générales de la Communauté, il convient de souligner que la stabilité des prix et le soutien à l'économie réelle ne doivent pas être considérés comme étant exclusives mais, au contraire, conjonctives. En effet, comme je l'ai exposé précédemment, la stabilité des prix est la meilleure contribution dans le moyen terme à une croissance soutenable et créatrice d'emplois. La politique monétaire, en lissant les chocs externes, contribue à une moindre volatilité de la croissance et de l'emploi.
Afin d'atteindre un objectif, deux phases sont nécessaires : la mise en place d'une stratégie, basée sur un cadre institutionnel adéquat, et d'un cadre opérationnel qui en permet la transposition. Alors que la définition et les décisions de politique monétaire sont centralisées au niveau du Conseil des gouverneurs, l'exécution des décisions est décentralisée au niveau des BCN, ces dernières formant ensemble, sur un pied égalitaire, le bras opérationnel de l'Eurosystème.
La définition de la politique monétaire
En décembre 1998, le Conseil des gouverneurs s'est doté d'une stratégie de politique monétaire, basée sur deux piliers. La philosophie sous-jacente à la stratégie adoptée est que l'inflation est à long terme un phénomène monétaire, objet aujourd'hui d'un large consensus. Ainsi, le premier pilier de la stratégie donne un rôle prédominant à la monnaie, défini par un agrégat monétaire large appelé M3 constitué de la somme de la monnaie fiduciaire, augmentée des encours de certains passifs très liquides, au sens large du terme, d'institutions financières.. La valeur de référence pour la croissance annuelle de cet agrégat est de 4 ½%. Cette valeur de référence constitue un indicateur pour le Conseil des gouverneurs et n'implique en aucun cas une action mécanique de ce dernier si la croissance annuelle se trouve au-delà de la valeur de référence. Afin de pouvoir prendre ses décisions sur la base d'informations aussi exhaustives que possible, le Conseil des gouverneurs se base également sur le deuxième pilier de la stratégie qui consiste en l'analyse d'un large éventail d'indicateurs économiques et financiers pouvant donner des indications sur l'évolution future des prix.
Dans la détermination de la stratégie de la politique monétaire ainsi que lors des prises de décision sur le taux d'intérêt officiel, le principe du « un homme, une voix » est de rigueur, même si le Conseil des gouverneurs privilégie la décision par voie de consensus. Le Président de la BCL représente par conséquent une voix parmi dix-huit dans les décisions de politique monétaire. Cependant, je préciserais que chaque gouverneur prend part à ces décisions, non pas en tant que représentant de sa Banque ou de son pays, mais en sa capacité personnelle, en vue de prendre la meilleure décision pour la zone euro tout entière.
Comme déjà indiqué précédemment, cette stratégie s'inscrit dans une perspective de moyen terme. Outre les deux arguments déjà énoncés, en l'occurrence l'impuissance de la politique monétaire à avoir une emprise sur la volatilité des prix à court terme ainsi que l'impact décalé dans le temps de la politique monétaire sur les prix, il convient d'ajouter un troisième élément : le postulat de la neutralité de la monnaie à long terme. Exprimé différemment, il n'existe pas d'arbitrage à long terme entre l'inflation et la croissance. L'arbitrage, qui existe dans le court terme, engendre dans le long terme plus d'inflation sans croissance et emploi supplémentaires. Les derniers résultats auxquels ont abouti les chercheurs de l'Eurosystème soutiennent cette thèse. Alors que les inflexions de la politique monétaire induisent un effet dans le court terme sur la production globale de la zone euro, la production retourne à terme à un niveau très proche de son niveau initial. En revanche, l'impact de la politique monétaire sur les prix est plus modéré dans le court terme, mais persiste dans le temps. Toute tentation d'utiliser la politique monétaire à des fins de réglage fin dans le court terme doit donc être évitée. C'est pour cette raison que la politique monétaire doit être confiée à une banque centrale indépendante, les pouvoirs politiques, en quête de suffrages dans le court terme aux échéances électorales, pouvant plus facilement céder à cette tentation.
Maintes études ont démontré que les pays ayant délégué leur politique monétaire à une banque centrale indépendante affichent des progressions de prix plus modérées sur le long terme. Cette indépendance se décline sous plusieurs formes : personnelle, institutionnelle, opérationnelle et financière. Tandis que la première forme consacre l'indépendance du gouverneur en tant que membre en sa capacité personnelle du Conseil des gouverneurs, matérialisée par l'attribution d'un mandat assez long, six années au Luxembourg, la seconde a trait aux organes dirigeants d'une BCN qui ne doivent ni solliciter, ni accepter des instructions d'institutions ou d'organes tiers, européens ou nationaux ou de gouvernements nationaux. Les deux autres formes doivent garantir à une BCN de pouvoir se doter des moyens techniques et financiers suffisants afin de pouvoir répondre aux missions qui lui incombent.
Alors que d'aucuns considèrent que cette indépendance revêt une nature anti-démocratique, il convient de souligner que l'indépendance n'est pas gratuite, mais contre-balancée par plusieurs contreparties. Tout d'abord, l'indépendance repose sur une base légale, inscrite dans le Traité et relayée dans la loi organique des différentes BCN. Ensuite, la BCE en tant que quasi-institution européenne est soumise au contrôle juridictionnel prévu dans le droit communautaire. Finalement, l'indépendance a une contrepartie essentielle qui est la responsabilité, ou plus exactement l'obligation de la BCE de rendre compte par rapport à ses objectifs envers le grand public et le Parlement européen. A cette notion de rendre compte, celles de transparence et de communication sont étroitement liées. Plusieurs canaux de communication sont utilisés, entre autres : conférence de presse après chaque réunion du Conseil des gouverneurs ayant eu à l'ordre du jour une discussion sur l'orientation du taux d'intérêt officiel, apparition trimestrielle du Président de la BCE devant la commission économique et monétaire du Parlement européen, bulletin mensuel, rapport annuel, discours. La BCL, par le biais essentiellement de publications et de discours, relaie cette information à un niveau national.
L'exécution de la politique monétaire
Alors que le Conseil des gouverneurs fixe, sur base de sa stratégie des deux piliers, les orientations de politique monétaire, ces dernières sont exécutées, transposées par les BCN, conformément au principe de décentralisation. Ainsi, la BCL, en tant qu'intermédiaire entre l'Eurosystème et les institutions financières luxembourgeoises, véhicule en moyenne quelque 10% de l'ensemble des liquidités attribuées par l'Eurosystème lors des opérations de politique monétaire. En ces termes, le rôle de la BCL est proportionnellement plus de soixante fois plus important que sa part de capital détenue dans la BCE, soit 0,15%.
Chaque opération de politique monétaire au sein de l'Eurosystème est véhiculée par un système de paiement appelé TARGET. Ce système est composé d'une interconnexion de systèmes nationaux de règlement brut en temps réel (RBTR). En 2002, quelque 250.000 opérations en moyenne journalière ont transité par TARGET pour une valeur moyenne journalière de quelque EUR 1.500 milliards. La composante luxembourgeoise, mise en place entre 1996 et 1998, s'appelle LIPS-Gross et comprend à ce jour 31 participants directs. La BCL est l'agent technique et de liquidation de ce système qui au cours de l'année 2002 a assuré le paiement de près de 82.000 opérations domestiques et 564.000 opérations transfrontières, pour une valeur totale de quelque 7.600 milliards d'euros. La BCL assure ainsi aussi bien le suivi des développements apportés aux systèmes existants que l'exécution des paiements. En 2002, le taux de disponibilité était de 99,92% pour la composante LIPS-Gross, deuxième meilleure performance de l'Eurosystème après la Finlande, et de 99,77% pour TARGET.
Outre le système LIPS-Gross, il existe également au Luxembourg un système de paiements de masse véhiculant des opérations de petits montants appelé LIPS-Net. Cet outil, qui permet l'échange de virements et de chèques au niveau national, a enregistré un total de 13,7 millions d'opérations en 2002 pour une valeur totale de EUR 48,2 milliards. Contrairement au système RTBR où les opérations sont liquidées une par une en temps réel, le système LIPS-Net liquide des soldes multilatéraux cinq fois par jour. L'agent de liquidation est la BCL, l'agent technique étant CETREL.
Sur les marchés financiers, et ici plus particulièrement lors des opérations de politique monétaire, les systèmes de paiement sont indissociables des systèmes de compensation et de règlement-titres. Le règlement des opérations sur titres implique deux flux : livraison de titres et paiement (flux monétaire).Alors qu'initialement, la livraison de titres se faisait sous une forme physique, la grande majorité se fait aujourd'hui de manière dématérialisée, sous formes d'écritures comptables. Les titres sont localisés auprès de dépositaires centraux de titres.
Toute opération de crédit faite par l'Eurosystème à une contrepartie doit se faire contre une garantie sous forme d'actifs éligibles. Cette règle vise à protéger l'Eurosystème contre des pertes potentielles et à assurer l'égalité entre les contreparties. Au Luxembourg, Clearstream Banking est devenu le dépositaire national pour la BCL pour recevoir en dépôt les titres gagés par les banques commerciales afin de pouvoir effectuer leurs paiements via le réseau TARGET ou pour recevoir du crédit de la BCL, aussi bien lors des opérations de politique monétaire que lors des opérations de crédit intra-journalier dans les systèmes de paiement. Au 31 décembre 2002, le total de garanties déposées par les contreparties s'élevait à quelque EUR 87,1 milliards. Cette abondance de garanties explique l'importance des liquidités acheminées par le biais de la BCL, faisant du Luxembourg une plate-forme de centralisation de la gestion des liquidités des banques, le surplus de liquidités par rapport aux besoins locaux étant envoyé à l'étranger.
La BCL exerce également une fonction essentielle dans le cadre de la collecte de statistiques, indispensable dans la stratégie ainsi que dans l'exécution de la politique monétaire. Ainsi, la BCL compile les données nationales de l'indicateur monétaire large agrégées au niveau de la zone euro et constituant la base analytique du premier pilier de la stratégie de politique monétaire. Aussi, la BCL collecte et fournit-elle un grand nombre de statistiques économiques et financières à l'Eurosystème, utilisées dans le cadre du deuxième pilier. Dans le cadre de la politique monétaire, le calcul ainsi que le suivi des réserves obligatoires à constituer par les contreparties auprès de la BCL est primordial.
Finalement, il convient d'ajouter que dans le cadre de la détermination de la politique monétaire, l'aspect analytique est incontournable. Ainsi, la BCL effectue des prévisions de besoin de liquidités des contreparties luxembourgeoises, données agrégées au niveau de la zone euro, et participe à l'élaboration des projections économiques publiées deux fois par an. Ces projections constituent un instrument d'analyse parmi d'autres dans le deuxième pilier de la stratégie de politique monétaire.
La stabilité financière
La stabilité des prix et la stabilité financière sont deux pôles indissociables, leur relation étant symbiotique. La stabilité des prix, en ancrant les anticipations des agents, contribue à la stabilité financière. A cette relation s'adossent la crédibilité et la transparence de la politique monétaire menée, ayant pour conséquence de concourir à la réduction de la volatilité des marchés dans un environnement moins incertain. Alors que l'objectif de la stabilité des prix a été rempli à moyen terme, les premiers travaux sur la prévisibilité des décisions de politique monétaire par le Conseil des gouverneurs sont très encourageants. Entre début janvier 1999 et début juin 2002, le marché a anticipé à concurrence de 92% les douze modifications de taux directeurs et à concurrence de 94% les soixante-six statu quo. Alors que ces résultats sont similaires à ceux trouvés pour les Etats-Unis, ils sont d'autant plus encourageants pour une institution récente telle que la BCE.
A l'inverse, l'instabilité financière peut compromettre la stabilité des prix en altérant les différents canaux enoeoeuvre lors du mécanisme de transmission monétaire. Ainsi, par exemple, l'éclatement d'une bulle spéculative peut-elle contribuer à un processus de déflation par le biais de la détérioration de l'effet de richesse, une crise de change peut-elle engendrer une dépréciation du taux de change et générer une inflation importée etc. Alors que l'intervention des banques centrales en aval des crises financières est un sujet à controverse, essentiellement en raison du débat sur l'aléa moral, il est indubitable que leur intervention en amont, au niveau de la prévention est, sans équivoque, cruciale.
La mission attribuée au SEBC en matière de stabilité est double : contribuer aux politiques menées par les instances compétentes en matière de supervision prudentielle des établissements de crédit et de stabilité du système financier et promouvoir le fonctionnement sans heurts des systèmes de paiement.
Dans ce cadre, le Comité de surveillance bancaire (CSB) du SEBC joue un rôle essentiel, rassemblant les responsables de la surveillance micro et macro-prudentielle. Ce comité a pour mission principale d'étudier le suivi du secteur bancaire en Europe, entré dans une phase d'intégration et de consolidation. Outre le suivi des, et la participation active aux travaux européens, la BCL a mis en place des indicateurs macro-prudentiels ayant pour objet de suivre l'évolution globale du système financier luxembourgeois.
Durant six mois, de juin à décembre 1998, la BCL a incorporé l'activité de surveillance micro-prudentielle, c'est-à-dire des institutions financières individuelles, cette dernière ayant constitué la grande majorité des missions de l'IML. Ce sont les lois du 23 décembre 1998 portant sur la BCL et la surveillance du secteur financier qui ont délocalisé la surveillance micro-prudentielle, mission dominante de l'IML, au sein de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). En franchissant ce pas, le législateur n'imaginait-il sans doute pas que le Luxembourg serait le seul pays de l'Union européenne où cette séparation engendrerait une absence totale de coordination bilatérale entre la supervision micro-prudentielle et macro-prudentielle, cette dernière correspondant à la surveillance du système financier dans son ensemble et incombant traditionnellement à une banque centrale. Cette configuration institutionnelle a engendré une situation, non préméditée, où la stabilité financière ne revêt plus le statut de bien public, la segmentation ayant pris le dessus sur la coordination, à contre-courant du processus de globalisation financière en général et diminuant encore le faible poids du Luxembourg sur la scène internationale.
Les systèmes de paiement constituent la clé de voûte dans l'irrigation du tissu économique et des circuits financiers d'une économie.En permettant des paiements effectués de manière sûre et dans les délais requis, ils contribuent au bon développement économique et contribuent à la stabilité financière. Symétriquement, ils constituent une source importante d'instabilité financière. De par l'importance des montants acheminés par leur biais, un manquement d'une contrepartie peut provoquer un effet domino qualifié de risque systémique. Aussi, le rôle des systèmes de règlement des opérations sur titres est-il tout aussi essentiel lors d'opérations ayant pour contrepartie le débouclage d'une opération sur titres financiers.
Au vu del'importance de ces infrastructures pour le système financier, le législateur en a conféré la surveillance de principe à la CSSF et par exception à la BCL en février 2001. Dans le cadre des systèmes de paiement auxquels elle participe, la BCL veille à la conformité des systèmes aux normes et recommandations internationales en vigueur. Au niveau du SEBC, un accord informel et non contraignant a été conclu en 2000 entre les autorités de surveillance des systèmes de paiement et les autorités de contrôle bancaire de l'Union européenne. Il porte sur la coopération et l'échange d'information ayant trait aux dispositifs prudentiels ayant une incidence sur la stabilité systémique et sur les aspects nécessitant une coopération entre le SEBC et les autorités de contrôle bancaire.
L'émission et la mise en circulation de signes monétaires
Au-delà des fonctions qu'elle assure, moyen de paiement, réserve de valeur et unité de compte, la monnaie est un élément du ciment social. Partager une même monnaie induit une appartenance culturelle commune, rôle que la monnaie unique, l'euro, a endossé dès le 4 janvier 1999 sous sa forme scripturale. Ce rôle est devenu d'autant plus tangible depuis sa mise en circulation fiduciaire il y a un an, forme qui incarne implicitement un élément essentiel inhérent à la monnaie : la confiance, nécessaire à l'acceptation d'une monnaie. Ainsi, les banques centrales ont une fonction primordiale à jouer dans la construction et la conservation du capital confiance liée à une monnaie :
- Garantir une érosion monétaire faible afin de garantir le pouvoir d'achat d'une monnaie ;
- Garantir - en tant qu'émetteur - la qualité et l'incorporation de bons éléments de sécurité dans les billets afin de favoriser leur longévité et d'assurer la protection contre la contrefaçon et ;
- Assurer une alimentation adéquate de l'économie en signes monétaires.
Tandis que le premier impératif constitue, nous l'avons vu, l'objectif principal de l'Eurosystème, les deux autres n'en demeurent pas en retrait, au contraire. Les signes de sécurité sont le fruit de techniques sophistiquées et font de l'euro un billet au moins aussi sûr que le plus sûr des billets ayant circulé précédemment dans les espaces monétaires nationaux. Aussi, l'alimentation initiale des billets en euros, appelée communément « cash-changeover », s'est-elle faite sans heurts. Au Luxembourg, un sondage, effectué par l'Eurosystème, a révélé que 90% des sondés se sont estimés bien, voire très bien, informés et préparés à l'introduction de l'euro. Par rapport 31 décembre 2001, date de l'introduction de l'euro fiduciaire, le taux de reflux en valeur des billets en francs luxembourgeois était de 90% un an plus tard. Pour les pièces, le taux était de 70,5%.
La BCL émet et met en circulation les billets en euros, mais ne fait que mettre en circulation les pièces, pour le compte et au nom du Trésor de l'Etat, dont l'émission incombe à ce dernier à ce jour.
La BCL en tant que partie intégrante du paysage institutionnel luxembourgeois
La mission principale de la BCL au sein de l'Eurosystème comporte, nous l'avons vu, de multiples facettes. Toutefois, comme prévu dans sa loi organique, la Banque accomplit également des missions nationales n'étant pas en contradiction avec sa mission européenne.
La production de statistiques
Comme je l'ai déjà évoqué, la BCL compile et diffuse des statistiques dans le cadre des missions de l'Eurosystème. En sus, elle produit des statistiques sur la place financière dont l'utilisation est essentiellement cantonnée à un niveau national. Aussi, la BCL a-t-elle été chargée par le législateur de mettre en place, ensembleavec le Statec, la balance des paiements du Luxembourg. Au-delà d'un simple relevé statistique des transactions économiques d'une zone économique avec le reste du monde, la balance des paiements présente un intérêt majeur pour la politique économique. Je rappelle qu'avant l'élaboration d'une balance de paiement purement luxembourgeoise, une balance de paiement agrégée de la Belgique et du Luxembourg était produite par l'Institut belgo-luxembourgeois de change (IBLC). Bientôt, la Banque mettra en place les structures de reporting nécessaires afin d'établir les comptes financiers pour lesquels le Luxembourg bénéficie d'une dérogation jusqu'en 2005. Les comptes financiers couvrent l'ensemble des créances, des dettes, des droits et des engagements dans une économie. Ils permettent de mettre en évidence la façon dont les différents secteurs économiques affectent leur épargne et auprès de quels secteurs ils trouvent les ressources nécessaires.
La BCL s'applique à contribuer à la transparence et à l'amélioration de la qualité des statistiques au Luxembourg, indispensables à une bonne gouvernance politico-économique.
L'analyse économique
La BCL, comme toute banque centrale, dispose d'un département de recherche. A ce titre, elle participe au débat économique national. Son indépendance lui permet de faire des analyses sans subir de pression politique. Les études produites par des agents ou des équipes de chercheurs sont le fruit de recherches effectuées dans le cadre du SEBC ou ciblées en fonction des débats économiques d'actualité au Luxembourg. Le récent cahier d'études sur le système des pensions en est une parfaite illustration. Outre les cahiers d'études, la BCL publie son bulletin ainsi que son rapport annuel.
La coopération internationale et l'offre de services à des tiers
La BCL contribue également à la représentation du Luxembourg au niveau international à l'instar des autres banques centrales européennes ; cette représentation multilatérale a longtemps été l'apanage de la BNB. L'action de la BCL donne la priorité au contact multilatéral monétaire et financier avec une présence luxembourgeoise ainsi qu'au contact bilatéral avec les pays ou régions d'activité de la coopération nationale. Aujourd'hui, la voix du Luxembourg et de la place financière est toutefois encore exclue d'enceintes ouvertes aux banques centrales de tous les autres pays européens.
L'implication de la BCL porte sur deux domaines : assistance technique et offre de services à des banques centrales ne faisant pas partie du SEBC ainsi qu'à des institutions internationales, voire supranationales.
Les activités s'inscrivant dans le cadre de l'assistance technique peuvent se faire de manière bilatérale, mais également s'insérer dans un cadre multilatéral aussi bien au niveau international (p.ex. par le biais de la Banque mondiale ou du FMI) que national (p.ex. Agence de transfert de technologie financière - ATTF). Au niveau national, la BCL est, à titre d'exemple, devenue de par son expertise un acteur actif régulier et apprécié dans le cadre des séminaires organisés par l'ATTF. J'ajouterai également que la BCL, sans vouloir devenir un centre de formation, dispose d'un savoir-faire jusque là non-disponible au Luxembourg, qu'elle entend diffuser aux cibles intéressées.
En termes de services financiers, la BCL offre pour les mêmes catégories d'institutions son savoir-faire en matière de gestion de réserves, de titres et de cash.
Enfin, la BCL agit également comme agent fiscal de l'Etat à l'égard du Fonds monétaire international (FMI) et comptabilise tous les avoirs et engagements du Grand-Duché en relation avec le FMI.
La coopération avec les acteurs de la place financière de Luxembourg
En tant qu'intermédiaire avec l'Eurosystème et institution ancrée dans le paysage financier luxembourgeois, la BCL tient à impliquer étroitement les acteurs économiques. Afin d'instaurer un dialogue à des fins d'information et de consultation, la BCL a mis en place divers comités de travail dont elle assure l'organisation dans les domaines des statistiques, des opérations de marché, des systèmes de paiement, des signes monétaires, des questions juridiques ou encore de l'informatique.
Comme vous avez pu le constater, malgré la volonté de limiter son rayon d'action, les missions incombant à la Banque centrale du Luxembourg sont vastes. A l'aube de son cinquième anniversaire, elle est parvenue à assurer son ancrage aussi bien au sein de l'Eurosystème que dans le paysage institutionnel luxembourgeois. Cependant, nous demeurons une institution jeune qui se doit de se remettre en question de manière permanente et de s'efforcer à communiquer avec ses contreparties, non seulement professionnelles mais aussi et surtout avec le grand public. Nous nous attelons à cette tâche.
Je vous remercie pour votre attention.