Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d'études No 5 de la Banque centrale du Luxembourg

23.10.2002

Monetary Transmission: Empirical Evidence from Luxembourg Firm-level Data

By Patrick Lünnemann et Thomas Mathä

Au moins deux canaux de transmission monétaire peuvent influencer le comportement des entreprises en matière d'investissement : le canal d'intérêt et le canal du crédit. Cette étude a pour objectif d'analyser leur impact sur les décisions d'investissement des entreprises non-financières luxembourgeoises. Le canal des taux d'intérêts renvoie à l'impact direct des changements de taux d'intérêts sur l'activité d'investissement des entreprises, par le biais du coût d'usage du capital. Quant au canal du crédit, il renvoie aux asymétries d'information et à d'autres imperfections du marché qui influencent le comportement d'investissement de chaque entreprise. Les asymétries d'information entre les entreprises et les prêteurs potentiels - relatives à la situation financière nette, à la rentabilité des investissements engagés, etc. sont de nature à biaiser la valeur de marché réelle de l'entreprise. Ils peuvent, par ailleurs, induire des difficultés de type « sélection adverse ». L'accès des entreprises aux ressources externes de financement est souvent conditionné par le paiement d'une majoration de taux (premium). Cette prime dépend de la situation financière nette de l'emprunteur et/ou de la qualité de sa signature. Ainsi, la charge de l'emprunt est probablement moins importante pour les entreprises dont la situation financière est plus équilibrée que celles des entreprises dites moins solvables.

Le canal du crédit peut être caractérisé par son rôle amplificateur de l'impact de la politique monétaire. Il opère par le biais du canal traditionnel de taux d'intérêt, mais aussi par l'importance de la majoration du premium relative au recours à un financement externe. La charge de la dette, générée par ces deux composantes, conduit, toute chose égale par ailleurs, à une baisse des profits actuels et anticipés de l'entreprise faisant baisser les prix des titres et donc la valeur du collatéral, ce qui à son tour amplifie les effets de la politique monétaire sur les investissements des entreprises.

Cette étude s'intègre dans une littérature empirique croissante relative à l'analyse de l'existence d'un canal du crédit. L'objectif de cette étude est de présenter les premiers résultats empiriques, basés sur des données en panel issues des entreprises luxembourgeoises, relatifs au processus de transmission monétaire. Plus spécifiquement, nous nous interrogeons sur la sensibilité de l'investissement des entreprises luxembourgeoises au coût d'usage du capital, sur l'influence de la politique monétaire sur le coût d'usage du capital et sur l'existence d'un canal général du crédit. Ce faisant nous adoptons le modèle de l'accélérateur de l'investissement. Pour évaluer l'influence de la solidité des bilans des entreprises, il est tenu compte du ratio liquidités/capital. Afin d'analyser la présence d'effets différentiels entre les entreprises nous examinons le rôle de l'âge et de la taille de l'entreprise et d'autres caractéristiques spécifiques à l'entreprise, telles que le secteur d'activité ainsi que le statut juridique de l'entreprise.

Les résultats suggèrent que le mécanisme de l'accélérateur des ventes est probablement actif dans le cas des entreprises luxembourgeoises. Toutefois, son importance est très réduite. Ceci peut être lié à la courte période de référence de sept ans qui ne prend pas en compte un cycle d'affaires entier. En conformité avec nos attentes, le signe du coefficient du coût d'usage du capital est statistiquement négatif. Ce résultat est aussi remarquablement résistant aux changements de spécification et de définition du coût d'usage du capital. Par ailleurs, le coefficient du ratio de liquidités préconise que la solidité du bilan influence de manière significative les investissements des entreprises. Ce résultat est conforme aux postulats de la théorie générale d'un canal du crédit.

Les résultats obtenus suggèrent que les entreprises jeunes semblent être plus assujetties aux contraintes de financement que des entreprises plus anciennes. Les entreprises de moins de sept ans affichent un coefficient de taux de croissance des ventes significativement supérieure aux autres entreprises. Le même résultat est observé quant aux coefficients du ratio de liquidités, ainsi qu'au niveau de l'élasticité de l'investissement au coût d'usage. Les résultats suggèrent également que la rigueur de la contrainte décline au fur et à mesure que le temps passe, étant donné que l'ampleur des coefficients et leur importance décroissent avec l'âge. En général, les entreprises les plus récentes sont plus dépendantes des liquidités internes pour financer leurs investissements et sont plus sensibles aux changements du coût d'usage et par conséquent, à la politique monétaire.

Les résultats relatifs aux différences entre petites et grandes entreprises, entre entreprises privées et publiques et entreprises de secteur secondaire et tertiaire sont moins clairs. Il y a quelques éléments peu probants qui suggèrent que les entreprises de petite taille dépendent plus des liquidités internes pour financer leurs investissements que les entreprises de grandes tailles, car elles semblent plus sensibles au ratio de liquidités. Ceci peut être expliqué par les difficultés d'accès de ces entreprises de petite taille aux financements par le biais du marché de capitaux. Les entreprises de services semblent plus dépendantes de l'augmentation des ventes que les entreprises industrielles. Enfin, aucun effet significatif n'est apparu par rapport au statut juridique des entreprises.

Une brève analyse de la relation entre le coût d'usage du capital et la politique monétaire révèle que cette dernière a un impact sur le coût d'usage. Plus spécifiquement, un relèvement du taux d'intérêt du marché monétaire belge à 3 mois implique un changement du coût d'usage. Ce dernier résultat confirme l'influence effective de la politique monétaire sur le comportement d'investissement des entreprises.

Le Cahier d'études de la BCL est disponible sur le site Internet de la BCL ( www.bcl.lu) où il peut être consulté et téléchargé.