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Publication du Cahier d'études No 6 de la Banque centrale du Luxembourg
La soutenabilité à terme du régime général de pensions au Luxembourg
Introduction
Le Cahier d'études a pour objet de fournir une première évaluation de la situation budgétaire du régime général de pensions au Luxembourg. Une telle analyse est certes confrontée à de multiples difficultés, tant il est difficile de prévoir l'évolution des déterminants de l'équilibre financier du régime à plusieurs décennies de distance. Cependant, l'économie luxembourgeoise présente diverses caractéristiques, dont les effets se déploient sur un horizon de très long terme. Dans un tel contexte, il importe de développer des outils permettant de baliser les évolutions futures, à défaut de les prévoir. La BCL a élaboré un tel outil, dont l'articulation logique et les principaux enseignements sont brièvement décrits ci-dessous.
1. La situation présente du système de pensions luxembourgeois
La situation budgétaire présente du système de pensions paraît excellente. Les recettes du système ont été systématiquement supérieures aux dépenses au cours de la période 1990-2001, à raison d'environ 2% du PIB. La sédimentation d'excédents sur une longue période a donné lieu à de confortables réserves, qui se sont élevées à 22% du PIB à la fin de l'année 2001.
2. Diverses caractéristiques propres au Luxembourg
Diverses caractéristiques de l'économie luxembourgeoise sont à la base des excellents résultats budgétaires du régime général. Il s'agit de la forte proportion de travailleurs frontaliers, d'un solde migratoire très positif et enfin de l'importance du secteur financier.
La population des frontaliers est relativement jeune, de sorte qu'elle devrait continuer à alimenter une progression soutenue des cotisations au cours des prochaines années. Cette situation est cependant appelée à se modifier lorsque les importants effectifs de frontaliers parviendront à l'âge de la pension. La même situation prévaut, mutatis mutandis, pour les arrivées de travailleurs étrangers. Une troisième caractéristique du Luxembourg est sa potentielle vulnérabilité aux chocs macroéconomiques ou financiers. Ce facteur a opéré en faveur du régime de pensions au cours des années récentes, en particulier de 1996 à 2000. Une évolution en sens inverse pourrait cependant se manifester dans le futur.
3. L'outil de projections développé par la BCL
Le simulateur élaboré à la BCL comprend un modèle démographique, qui permet d'inférer l'évolution de la population par sexes et classes d'âge sur la période 2001-2085. Sur la base de taux d'activité, la population active assurée au système de pensions privé, l'évolution de la masse salariale et enfin le montant des cotisations futures peuvent être dégagés. Les dépenses de pensions sont également estimées à partir de la population répartie par sexes et classes d'âge. Sur la base de matrices de statuts, le nombre de pensionnés futurs est inféré. Les dépenses de pensions totales sont obtenues après multiplication par des pensions moyennes représentatives. Le même schéma est appliqué aux travailleurs frontaliers.
4. Les perspectives d'évolution à long terme du système privé de pensions
4.1. La projection de référence
Les hypothèses qui président à la simulation de référence sont décrites en détail dans le Cahier d'études. Il est notamment supposé que les arrivées nettes de frontaliers et d'immigrants demeureraient à des niveaux relativement élevés, soit respectivement 7000 et 4000 personnes par an à partir de 2005. Par ailleurs, la projection de référence inclut les mesures adoptées dans la foulée du Rentendësch et suppose le maintien du taux de cotisation à 24% des revenus cotisables.
La soutenabilité à terme du système de pensions paraît précaire sous ces hypothèses. A partir de 2005, la reprise des entrées de frontaliers et l'immigration soutenue conforteraient certes la croissance économique, ce qui tendrait à réduire l'importance relative des dépenses tout en favorisant les recettes. Il en résulterait une augmentation des excédents et une hausse soutenue du niveau des réserves, qui culmineraient à près de 50% du PIB en 2028. Les excédents primaires commenceraient cependant à décliner dès 2015, tandis que la capacité de financement diminuerait à partir de 2021. Elle cèderait la place à un besoin de financement dès 2041, qui s'élèverait à quelque 8% du PIB à l'issue de la période de projection. Dans un tel contexte, un premier endettement ferait son apparition en 2055. Il atteindrait 60% du PIB vers 2070 et 109% en 2085.
4.2. Première variante: plafonnement de la population à 700 000 habitants
La population obtenue dans le cadre de la projection de référence dépasserait le seuil des 700 000 habitants à partir de 2048. Une projection a été effectuée, qui consiste à plafonner la population à 700 000 habitants en annulant les soldes migratoires à partir de 2049. Un tel plafonnement pourrait par exemple résulter d'une saturation des infrastructures publiques, ou encore d'une capacité de logement ou de transport insuffisante. Ce plafonnement affecterait très négativement l'équilibre du système de pensions. La dette et le besoin de financement atteindraient en effet 170% et 13,5% du PIB, respectivement, en 2085.
4.3. Deuxième variante : ralentissement des arrivées de frontaliers
Les résultats de la simulation de référence dépendent de façon cruciale de l'hypothèse d'un maintien à un niveau élevé des arrivées nettes de frontaliers. Un scénario alternatif consiste à abaisser ces arrivées nettes à 4000 individus par an à partir de 2005. Dans ce contexte, le premier endettement se manifesterait dès 2045 et la dette du régime privé de pensions se monterait à 132% du PIB en 2085. Cet impact négatif s'éroderait cependant fortement à partir de 2057 du fait de la diminution du nombre de frontaliers pensionnés.
4.4. Evaluation du coût du Rentendësch
Le coût statique en année pleine des mesures de la loi du 28 juin 2002 peut être estimé à 0,6% du PIB. Cependant, une telle estimation statique ignore les interactions entre les nouvelles mesures et l'environnement macroéconomique et démographique, de même que leur impact sur les charges d'intérêt. Compte tenu de ces effets indirects, le coût des mesures atteindrait 1% du PIB dès 2022 et près de 3% en 2085, ce gonflement étant largement imputable aux charges d'intérêt additionnelles. En l'absence des nouvelles mesures, la dette projetée ne se serait établie qu'à 61% du PIB en 2085, au lieu de 109% dans la projection de référence.
4.5. Analyses de sensibilité des résultats
Diverses projections alternatives permettent d'évaluer la stabilité des résultats et de mieux illustrer la façon dont opèrent divers déterminants de l'équilibre du système privé de pensions. Les résultats de ces projections, qui font l'objet de commentaires détaillés dans le Cahier d'études, mettent en évidence l'effet durable d'une accélération même temporaire d'une hausse des salaires, l'importance cruciale d'une amélioration du taux de rendement des réserves, la sensibilité de la situation budgétaire au taux de participation des femmes au marché du travail et, enfin, les retombées très favorable d'un accroissement du taux de fertilité.
Conclusion
Les résultats brièvement décrits ci-dessus soulignent l'importance d'une surveillance proactive de l'évolution de la situation budgétaire du système de pensions. Il serait hasardeux de n'adopter d'éventuelles mesures de correction que lorsque les réserves de pensions auront significativement décliné. Il serait alors trop tard pour contrer avec succès les facteurs de dérive des coûts, ce qui contraindrait les autorités à hausser significativement les cotisations sociales.
Ces résultats mettent également en évidence la nécessité d'une gestion rigoureuse du budget de l'Etat central. Les excédents de la sécurité sociale sont vraisemblablement appelés à s'étioler à moyen terme. Dans un tel contexte, un déficit structurel de l'Etat central contrarierait davantage qu'actuellement le respect des exigences européennes, qui se rapportent aux administrations publiques considérées dans leur globalité (Etat central, communes, sécurité sociale).
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