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Publication du Cahier d’études n°36 - LOLA 1.0 : Luxembourg OverLapping generation model for policy Analysis
Auteurs: Olivier Pierrard et Henri R. Sneessens
L’approche méthodologique actuellement privilégiée pour l’analyse de problèmes de politique macroéconomique est celle des modèles d’équilibre général dynamique. Ces modèles sont à interpréter comme des représentations stylisées (maquettes) du fonctionnement de l’économie. Ils sont construits à partir de représentations cohérentes et rigoureuses des mécanismes de marché et du comportement des agents économiques, fondées sur la théorie microéconomique. Hormis quelques cas particuliers hyper simplifiés, les propriétés et implications de ces modélisations de la réalité économique peuvent rarement être étudiées en termes analytiques généraux.
Typiquement, les maquettes sont “calibrées" et leurs propriétés étudiées par simulations numériques, en veillant à spécifier et calibrer le modèle initial (scénario de base) de façon à reproduire des caractéristiques bien établies de l’économie considérée. Les effets de politiques économiques ou autres modifications de l’environnement économique sont simulés en élaborant des variantes du scénario de base.
Le modèle LOLA se conforme à cette approche d’équilibre général dynamique. Il vise principalement à étudier tant les effets de chocs structurels comme les chocs de démographie, que les effets de politiques structurelles telles que les recommandations de l’agenda de Lisbonne. Deux éléments principaux caractérisent ce modèle. Premièrement, le modèle LOLA se base sur les modèles à générations imbriquées (OLG models) dont le but est de distinguer différentes générations d’individus (travailleurs, préretraités, retraités) et de modéliser le comportement d’épargne. Cependant, la plupart des modèles à générations imbriquées supposent un marché du travail parfaitement compétitif avec absence de chômage involontaire, ce qui est gênant lorsque qu’il s’agit d’appréhender une variable telle que le taux d’emploi. Lorsque le chômage est pris en compte, la présentation est généralement simplifiée, soit en ignorant la dimension frictionnelle du chômage (liée aux flux d’entrées et sorties), soit en simplifiant la représentation des classes d’âge en adoptant l’hypothèse de “jeunesse perpétuelle" à la Blanchard.
Deuxièmement, notre recherche se base sur les modèles à la Mortensen-Pissarides qui représentent explicitement les comportements de demande et d’offre de travail, les processus de formation des prix et des salaires, et leurs impacts sur les probabilités d’embauche. Cependant, ces modèles font généralement l’impasse sur la dimension intergénérationnelle. Notre objectif est donc de proposer une modélisation de l’économie luxembourgeoise qui permette de traiter simultanément la dimension frictionnelle inhérente au marché du travail (taux d’emploi, taux de chômage et taux d’activité) et la dimension intergénérationnelle (vieillissement, épargne, pension,...).
A titre d’illustration, nous utilisons le modèle LOLA afin d’analyser et de comprendre les risques à moyen et long terme que les évolutions démographiques (vieillissement de la population et importance des frontaliers) font peser sur le financement des pensions au Luxembourg. Ce type d’analyse revêt une importance particulière dans un pays tel que le Luxembourg. La petite taille et la forte ouverture du pays compliquent certes tout exercice de projection, surtout sur un horizon de long terme. Cependant, ces mêmes caractéristiques exacerbent la fragilité financière du régime de pension. Les modèles d’équilibre général permettent de mieux appréhender les sources de vulnérabilité et, partant, de choisir en connaissance de cause les mesures susceptibles de pallier ces menaces.
Le modèle suggère que le vieillissement de la population, tant résidente que frontalière, induira un alourdissement progressif et non négligeable des dépenses de pensions et en conséquence une détérioration sensible des finances publiques. Même en supposant une hausse continue de la productivité et du nombre de frontaliers et d’immigrants, le coût pour les finances publiques serait par exemple de l’ordre de 10% du PIB aux alentours de 2040. Le modèle suggère dans le même temps qu’une baisse de 10 points de pourcentage du ratio de remplacement réel des pensions (par exemple en suspendant provisoirement l’indexation des pensions aux salaires réels) couplée à une baisse 10 points de pourcentage du différentiel entre salaire brut et salaire net pour les 55-65 ans (ce qui entraîne une hausse du taux d’activité de ces travailleurs) peut résoudre le futur problème de financement des pensions tout en préservant le bien-être de la population. En conclusion, le financement futur des pensions pourrait être assuré par une réforme initiée dès aujourd’hui, pourvu que cette réforme soit à la fois ciblée et efficace. Un tel effort de préfinancement des charges de pension futures permettrait d’éviter demain des réformes “révolutionnaires" socialement très douloureuses. Il est également important de noter que malgré des approches complètement différentes (modèle d’équilibre général vs. modèle comptable), nos résultats sont assez proches de ceux de travaux antérieurs réalisés à la BCL.
Il convient évidemment d’interpréter ces résultats avec prudence. Premièrement, le Luxembourg est une petite économie ouverte qui est de ce fait fortement exposée aux chocs extérieurs. Il n’est donc pas aisé d’élaborer des hypothèses représentatives du futur. Deuxièmement, nos résultats sont basés sur un modèle et donc, par définition, sur une simplification de la réalité. C’est pourquoi ce modèle sera encore développé et raffiné dans le futur (LOLA 2.0). Ces extensions et améliorations concerneront en particulier les parties “finances publiques" et “demande étrangère".