Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n°39 – « La flexibilité des salaires au Luxembourg : Une analyse sur la base de micro-données »

08.07.2009

 

Cette analyse est le fruit d’une étude menée au sein du « Eurosystem Wage Dynamics Network » (WDN), un réseau de recherche en cours au sein de l’Eurosystème dont l’objectif principal est d’analyser la dynamique des salaires. Dans le cadre de ce projet, certaines banques centrales procèdent à l’analyse des salaires sur la base de micro-données afin d’étudier le degré ainsi que les caractéristiques d’éventuelles rigidités salariales. 

La rigidité des salaires est un élément crucial pour les modèles macroéconomiques et pour la politique monétaire. La littérature néo-keynésienne a réaffirmé le rôle de la rigidité des salaires et la pertinence du recours aux micro-données. Une éventuelle rigidité des salaires pourrait être à l’origine de la rigidité des prix identifiée dans le cadre du projet de recherche « Inflation Persistence Network ». De plus, la rigidité des salaires est souvent considérée comme la cause principale d’un taux de chômage structurel européen supérieur à celui des États-Unis. 

Au Luxembourg, l’analyse des salaires individuels se base sur des salaires mensuels nominaux compilés par l’Inspection Générale de la Sécurité Sociale (IGSS). La base de données couvre l’ensemble de l’économie nationale. La période de référence s’étend de janvier 2001 à décembre 2006. L’indicateur clé de la flexibilité des salaires nominaux se réfère à la fréquence avec laquelle les salaires de base sont révisés. Afin d’étudier plus spécifiquement la rigidité nominale des salaires à la baisse, une distinction est faite entre une augmentation des salaires et une baisse des salaires. Les résultats sont en résumé les suivants : 

Tout d’abord, les erreurs de mesure peuvent biaiser à la hausse l’estimation de la fréquence de changement des salaires, évaluée à 57 % sur la base de données brutes. L’analyse propose deux manières de limiter ce type d’erreurs. Tandis que la première approche prévoit un jeu de règles de jugement identifiant un comportement de salaires invraisemblable, la deuxième approche se base sur un test de changements structurels multiples tel que proposé par Bai et Perron. Selon ces deux approches, la fréquence de changement des salaires se situe entre 9 % et 14 %. Par conséquent, au Luxembourg, la fréquence de changement des salaires est inférieure à la fréquence de changement des prix à la consommation, qui a été estimée à 17%. 

Deuxièmement, on constate une différence substantielle dans la fréquence d’un changement de salaire en fonction de la taille de l’entreprise et du secteur d’activité, entre les entreprises publiques et les entreprises privées et entre les différents statuts du salarié (ouvrier, employé ou fonctionnaire). Plus spécifiquement, la fréquence de changement des salaires est nettement supérieure pour les grandes entreprises et les entreprises publiques. 

Troisièmement, étant donné leur forte concentration dans les périodes d’indexation ainsi qu’au mois de janvier, les changements de salaires sont essentiellement synchronisés. Pendant une année typique, la moitié des changements salariaux a lieu lors de l‘indexation automatique des salaires. De plus, environ 25 % des changements salariaux se produisent au mois de janvier, reflétant ainsi l’importance des accords de négociation salariale qui entrent en vigueur en début d’année. La quasi-totalité des salaires est ajustée lors de l’indexation des salaires. La flexibilité des salaires est donc en grande partie induite par des contraintes de caractère institutionnel. En faisant abstraction de l’influence de certaines de ces contraintes sur l’évolution des salaires (l’indexation automatique, l’ajustement du salaire minimum ou encore le changement de l’état civil ou de l’âge), la fréquence de changement des salaires est inférieure à 7 %. Ce résultat suggère ainsi que la fréquence de changement des salaires mesurée surestime le degré effectif de flexibilité à la disposition des entreprises. 

Enfin, l’analyse suggère que les salaires au Luxembourg se caractérisent par un degré substantiel de rigidité à la baisse. En termes nominaux, de mois en mois et d’année en année, à peine 1 % des salaires est ajusté à la baisse. En termes réels, sur base annuelle, très peu de salaires augmentent à un taux inférieur au taux d’inflation, en reflet du mécanisme d’indexation (à savoir 2,5 %) en vigueur.

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