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Publication du Cahier d’études n°103 - Characterising the financial cycle in Luxembourg
Auteurs: Gaston Giordana et Sabbah Gueddudj
La crise dite des «sub-primes» de 2007-2008 a démontré combien une bonne compréhension du cycle financier est importante afin de garantir la stabilité financière. En raison de l’interaction entre les sphères réelle et financière, les récessions économiques apparaissent plus longues et violentes lorsqu’elles s’accompagnent d’une « crise » bancaire systémique, l’activité dans le secteur bancaire étant de nature pro-cyclique.
Aussi, des changements dans la régulation et la supervision du système financier sont apparus de manière régulière en réponse aux turbulences financières et les banques centrales se sont vues dotées d’instruments macro-prudentiels pour prévenir et/ou atténuer les conséquences des crises systémiques.
Le cycle financier résulte de l’interaction entre le crédit disponible dans une économie et l’évolution du prix des actifs. Cette interaction est au coeur de la pro-cyclicité qui caractérise une grande partie de l’activité dans le secteur bancaire. Ainsi, une mesure correcte de la notion de cycle financier est un pré-requis pour la mise en oeuvre des instruments de la politique macro-prudentielle s’attaquant au risque induit par la procyclicité.
Néanmoins, les nombreuses analyses théoriques et empiriques ont montré une grande difficulté à appréhender dans la pratique la notion de cycle financier de manière universelle.
Par conséquent, dans ce cahier, à l’instar de la littérature sur le cycle des affaires (ou cycle réel), deux définitions des cycles déduits des séries temporelles sont étudiées, à savoir, le cycle classique et le cycle de croissance. Tandis que le premier se réfère à l’évolution de
la donnée en niveau, le second prend en compte le taux de croissance de la série. Ainsi, les cycles classique et de croissance diffèrent par construction. Logiquement, une contraction du cycle classique (i.e. dans le niveau de la série temporelle) n’est apparente que si la croissance de la série est négative. Ceci suggère une relation entre les dates des points de retournement des cycles calculés selon les définitions précitées. Effectivement, les pics et creux du cycle de croissance précèdent ceux du cycle classique.
Ce cahier d’études s’attache à rechercher des outils pertinents et efficaces spécifiques au Luxembourg pour la datation des cycles financiers puis à prévoir leurs phases d’expansion et de récession. Ainsi, afin de fournir un examen approfondi du cycle financier, dans un premier temps, une étude individuelle sur les cycles des différentes formes de crédits (crédits domestiques, crédits des sociétés non financières, crédits des ménages, les crédits octroyés au secteur privé), du PIB et des actifs financiers, tels que le prix de l’immobilier et les prix des actions est effectuée.
A partir des variables citées plus haut, une datation et une description des cycles sont fournies à l’aide de deux méthodes empiriques souvent usitées en théorie des cycles réels. A l’issue de ces exercices de datation des phases des cycles financiers, des travaux en termes de concordances entre les cycles nationaux mais aussi vis-à-vis d’une sélection des pays européens (Belgique, France et Luxembourg) sont présentés. Selon notre étude, les cycles du prix immobiliers ne sont pas clairement synchrones avec ceux des crédits, ce qui renforce l’idée selon laquelle l’évolution des prix immobiliers au Luxembourg serait plutôt liée à des facteurs structurels. Au niveau européen, d’après nos estimations des trois indices de concordance, les cycles immobiliers belges et luxembourgeois seraient relativement synchronisés.
Afin de détecter de manière précoce des points de retournement du cycle classique des variables étudiées, deux outils novateurs sont développés dans ce cahier d’études. Le premier outil met en lumière des seuils d’alertes permettant de prédire les retournements de cycle déduits des variables en niveau. Le second, quant à lui, propose une mesure de probabilité des phases de retournement du cycle à partir d’un modèle pour l’analyse des données de survie. Ces deux instruments fournissent quelques prévisions en termes d’occurrences des prochains points de retournement. Selon le modèle de survie estimé en regroupant les variables de crédit et du prix des actifs, la probabilité d’un futur point de retournement pour les prix immobilier au Luxembourg serait au plus haut vers le deuxième trimestre 2018 sous la condition qu’aucun point de retournement n’ait été observé d’ici là. Il est néanmoins prudent de souligner que les conclusions obtenues se basent sur des analyses purement statistiques qui, par définition, peuvent s’avérer sensibles aux données utilisées et requièrent donc des actualisations régulières. De surcroit, le modèle pour l’analyse de survie tel qu’il est défini dans ce cahier d’études s’applique uniformément à l’ensemble des cycles sans une réelle prise en compte de la spécificité des composantes cycliques (des séries individuelles). Enfin, nos analyses ne permettent pas d’identifier une quelconque relation de causalité entre les variables étudiées.
Dans un deuxième temps, une analyse s’inscrivant davantage dans une optique multivariée est exposée. Il s’agit de la construction d’un agrégat synthétique visant à reproduire les phases du cycle financier à partir des actifs financiers et du crédit domestique. Des conclusions robustes émergent. En effet, la durée moyenne du cycle financier est de dix ans. En outre, une comparaison avec le cycle réel montre que l’amplitude des phases décroissantes du cycle réel est plus importante lorsque ces phases sont concomitantes avec les phases décroissantes de l’indicateur agrégé du cycle financier.
En définitive, ce travail a permis de dégager un certain nombre de conclusions pertinentes pour une bonne compréhension de la formation du cycle financier. A terme, ces informations pourraient servir à définir des indicateurs avancés de crise plus fiables, lesquels s’avèrent nécessaires aux autorités macro-prudentielles dans leurs fonctions d’identification, d’évaluation et du suivi des risques pour la stabilité financière et économique.
Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.
Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu