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Publication du Cahier d’études n°104 - Employment, wages and prices: How did firms adjust during the economic and financial crisis? Evidence from a survey of Luxembourg firms
Auteurs: Thomas Y. Mathä, Cindy Veiga et Ladislav Wintr
Durant la phase initiale de la récente crise économique et financière, l’économie luxembourgeoise a été plongée dans la récession du deuxième trimestre 2008 au deuxième trimestre 2009. Entre son point haut et son point bas, le PIB en volume s’est contracté de 9,2%. Ce recul, plus sévère que celui observé initialement au niveau de la zone euro (-5,8%), s’est expliqué par l’exposition de l’économie luxembourgeoise aux services financiers et l’effondrement du commerce international.
Cette étude documente l’impact de la crise sur les entreprises luxembourgeoises. L’analyse se base sur les résultats d’une enquête, réalisée par la Banque centrale du Luxembourg auprès d’un échantillon représentatif d’entreprises en fin d’année 2014.
Cette enquête s’est inscrite dans le cadre d’un réseau de recherche (le Wage Dynamics Network) du Système Européen de Banques Centrales (SEBC). L’objectif était de mieux comprendre la réaction des entreprises face à un choc (en l’occurrence la récente crise) et de mieux appréhender les mécanismes d’ajustement et de fixation des salaires et des prix. Une enquête similaire avait déjà été réalisée en 2008 puis mise à jour en 2009 afin d’obtenir des informations sur la réaction des entreprises à la crise naissante. L’enquête de 2014 s’est inscrite dans la lignée des enquêtes précédentes.
Par souci d’harmonisation avec d’autres enquêtes du SEBC, la principale période de référence couvre les années 2010 à 2013. Cependant, étant donné qu’au Luxembourg la phase la plus aiguë de la crise a eu lieu au tournant des années 2008-2009, les informations récoltées ont (dans la mesure du possible) été étendues à cette période. Les résultats de l’enquête ont révélé qu’au Luxembourg, les trois quarts des entreprises
ont subi un choc négatif entre l’année 2008 et l’année 2013. Cependant, ce constat au niveau agrégé masque le fait que les entreprises ont été touchées par différents types de chocs, dans différents secteurs et à des moments différents. Durant la phase initiale de la crise, en 2008-2009, les entreprises ont principalement pâti des effets défavorables du choc de demande négatif. Cependant, un quart des entreprises interrogées a signalé un effet positif de l’évolution de la demande sur son activité au cours de cette phase. Le choc de demande négatif a été le plus prononcé en 2008 dans les services financiers et en 2009 dans l’industrie et les services aux entreprises. Les entreprises de la construction et du commerce ont au contraire indiqué avoir subi le choc de demande le plus sévère en 2013. Sur la période allant de 2010 à 2013, c’est la capacité des clients à respecter leurs engagements qui a le plus marqué l’activité des entreprises, suivie des effets liés à la détérioration de la demande. En outre, lorsqu’on compare les deux périodes clés sous étude, on constate une dégradation des perceptions des entreprises en matière de persistance des chocs subis. Cette détérioration s’est principalement expliquée par les chocs de demande (perçus comme persistants par les trois quarts des entreprises en 2010-2013 contre un tiers seulement durant la phase initiale de la crise). La crise s’est également soldée par un accroissement des coûts salariaux et dans une moindre mesure des coûts d’approvisionnement. Il s’ensuit qu’outre la concurrence et la capacité à trouver des clients, les coûts de la main-d’œuvre ont constitué une source additionnelle de préoccupation pour plus de la moitié des entreprises ayant subi un choc négatif sur la période 2010 à 2013.
En réponse à des chocs économiques, les entreprises peuvent avoir recours à différents modes d’ajustement. Les entreprises qui ont subi un choc négatif et pour lesquelles les coûts de la main-d’oeuvre ont constitué un élément pertinent ont privilégié une réduction de leurs effectifs permanents à une baisse des salaires de base. Sur la période 2008-2013, la majorité des entreprises a d’ailleurs enregistré une hausse des salaires de base.
Notons que le choix des stratégies d’ajustement a fortement varié en fonction de la taille de l’entreprise et de la branche d’activité. Durant la crise, certaines entreprises se sont également vues confrontées au besoin de réduire leur main-d’oeuvre ou d’en modifier la composition. A cette fin, elles ont privilégié le gel ou la baisse du nombre d’embauches, les licenciements individuels, la diminution du nombre de travailleurs ou encore la réduction (non-subventionnée) des heures de travail.
Au niveau des mécanismes d’ajustement des salaires, il est apparu que, globalement, les entreprises ont eu tendance à changer les salaires de base une fois par an (valeur médiane). Durant la crise, une part croissante d’entreprises a procédé à des gels de salaire.
En moyenne, 3% des entreprises interrogées ont indiqué avoir diminué les salaires sur la période 2008-2013.
L’enquête a aussi révélé qu’outre les conditions cycliques, les décisions de recrutement des entreprises dépendent de différents facteurs du marché du travail : le niveau des salaires et la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée sont apparus comme les principaux obstacles à l’embauche de salariés avec des contrats à durée indéterminée. La plupart des entreprises a indiqué rémunérer les nouvelles recrues à un salaire similaire à celui des employés établis, mais cette part a diminué entre 2008 et 2013. Les résultats de l’enquête révèlent aussi que les entreprises ont eu recours à certaines politiques publiques pour l’emploi, en particulier à des mesures d’incitation à l’embauche ou de préservation de l’emploi (notamment le chômage partiel).
Une large majorité des entreprises a déclaré disposer d’une certaine autonomie dans sa politique de fixation des prix. Sur le marché domestique, les prix ont été principalement fixés en fonction des coûts, avec une marge bénéficiaire préétablie ou ont été négociés individuellement avec les clients. Sur les marchés étrangers en revanche, les entreprises ont été davantage « preneuses de prix » et se sont alignées sur leurs principaux concurrents. 36% des entreprises ont déclaré avoir changé la fréquence d’ajustement de leurs prix durant la crise, essentiellement à la hausse. Cet accroissement s’est expliqué, selon elles, par une concurrence accrue, la hausse de la fréquence des changements de prix des principaux concurrents, la volatilité accrue de la demande et les changements plus fréquents des prix d’autres facteurs de production.
Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.
Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu