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Publication du Cahier d’études n°121 - Stress testing household balance sheets in Luxembourg
Auteurs: Gastón Giordana and Michael Ziegelmeyer
Cet article utilise des données sur les ménages individuels au Luxembourg pour évaluer l’impact de chocs économiques sévères sur l’exposition des banques au secteur des ménages résidents. Cette approche par les micro-données complémente les analyses sur données agrégées, qui ne prennent pas en compte l’hétérogénéité dans la répartition de la dette, des actifs et des revenus à travers la population des ménages.
Nous conduisons un test de résistance des ménages à partir de données issues d’une enquête représentative au Luxembourg, en utilisant des méthodes appliquées par le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne et d’autres banques centrales nationales. Nous calculons d’abord la probabilité de défaut de chaque ménage, en utilisant une mesure de sa marge financière combinant les informations sur son revenu, ses dépenses et ses actifs liquides. Nous calculons ensuite l’exposition au défaut (en anglais exposure at default ou EAD) pour le secteur des banques (donc au niveau agrégé) en multipliant la probabilité de défaut de chaque ménage par ses prêts en cours et en sommant à travers la population des ménages. Enfin, nous obtenons la perte pour l’ensemble des banques en cas de défaut des ménages (en anglais loss given default ou LGD), en supposant qu’elles récupèrent les actifs immobiliers des ménages défaillants et les liquident avec une décote. Pour simuler des conditions économiques défavorables, nous répétons l’exercice en utilisant des scénarios qui combinent des chocs sévères, mais plausibles, sur les prix immobiliers, les obligations et les actions, le revenu des ménages et les taux d’intérêt.
Dans le scénario de référence (sans chocs), nous calculons une probabilité de défaut moyenne pour les ménages endettés de seulement 3,1 %. Sur cette base, l’EAD des banques ne représenterait que 4,7 % de l’ensemble des prêts bancaires aux ménages. Après liquidation des biens immobiliers des ménages défaillants, sujet à l’application d’une décote, la LGD des banques se limiterait à 0,51 % des prêts bancaires aux ménages. Seulement 11 % de l’EAD des banques ne pourrait être récupérée en liquidant les actifs immobiliers détenus par les ménages en défaut.
Par contre, les simulations de conditions économiques défavorables suggèrent que les pertes des banques pourraient être bien plus importantes. Le choc individuel ayant l'impact le plus important est une baisse de 50 % des prix de l'immobilier, ce qui porte le ratio LGD à plus de 2 %. Sur base individuelle, les autres chocs résultent toujours en un ratio LGD inférieur à 1%. Le plus sévère des scénarios adverses combine plusieurs chocs substantiels : une baisse de 50 % des prix des actifs (immobilier, obligations et actions), une augmentation de 6 points de pourcentage du taux de chômage et une hausse de 4 points de pourcentage des taux d’intérêt applicables à la dette à taux variable. Cette combinaison de chocs augmente l’EAD des banques à 9,6 % du total des prêts bancaires aux ménages et la LGD à 4,2 %, soit huit fois celle du scénario de référence sans choc. Des pertes d’une telle ampleur pourraient sembler limitées au vu du niveau actuel de capitalisation bancaire au Luxembourg. Cependant, un tel scénario adverse devrait également générer des pertes sur les prêts bancaires pour d’autres secteurs qui sont exclus de cet exercice, notamment les ménages non-résidents et les sociétés non-financières. De plus, les prêts hypothécaires au Luxembourg sont concentrés auprès d’un nombre limité de banques importantes. Ainsi, le scénario adverse pourrait aussi engendrer des pertes sur les prêts interbancaires, avec des conséquences systémiques qui dépassent le cadre de ce test de résistance des ménages. Finalement, nous supposons que le marché immobilier reste liquide même dans les scénarios de stress.
Le scénario de stress élevé génère un nombre important de défauts parmi les ménages désavantagés sur le plan socioéconomique : par exemple, ceux dont la richesse nette est faible, le revenu modeste, le niveau de scolarité bas, ou le nombre d’enfants à charge supérieur à deux. Pour ces ménages, la probabilité individuelle de défaut varie entre 7,7% et 14,8%, tandis que les pertes des banques varient entre 8,7% et 14,1% de leur exposition à ces groupes de ménages.
Notre conclusion principale est que les pertes bancaires sont assez sensibles au niveau de stress, nonobstant trois facteurs atténuants au Luxembourg. Premièrement, les ménages détiennent un niveau substantiel d’actifs liquides qui peuvent leur permettre d’assurer le service de leur dette pendant plusieurs mois, même dans des conditions économiques défavorables. Deuxièmement, bien que les ménages puissent avoir un ratio de levier très élevé lors de leur endettement, ce ratio tend à se réduire rapidement à mesure que les ménages remboursent leurs prêts. Enfin, la quotité d’emprunt (rapport prêt-valeur) au moment de l’octroi des crédits hypothécaires n’est généralement pas excessif (selon les ménages), ce qui limiterait les pertes des banques en cas de défaut.
Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.
Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu