Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n°129 : Housing sector and optimal macroprudential policy in an estimated DSGE model for Luxembourg

11.07.2019

Auteur: Ibrahima Sangaré

 

La crise financière de 2008 a mis en évidence la nécessité de renouveler l’approche de la surveillance et de la régulation du système financier en la complétant par une perspective macroprudentielle en vue de promouvoir la stabilité financière. C’est ainsi que de nombreux pays, notamment européens, se sont récemment dotés de cadres opérationnels pour la mise en place des instruments macroprudentiels dédiés à la politique macroprudentielle. En 2015, le Comité du risque systémique (CRS) a été créé pour coordonner la mise en œuvre de la politique macroprudentielle au Luxembourg.

Les mesures macroprudentielles déjà mises en œuvre par les autorités luxembourgeoises comprennent le seuil plancher (fixé à 15 %) de la pondération moyenne du risque (Risk weight, RW) lié au secteur des biens immobiliers résidentiels par les établissements de crédit utilisant l’approche fondée sur les notations internes (IRB) et le coussin contracyclique (calibré à 0,25 % à partir du premier trimestre 2019).

Cependant, le marché des biens immobiliers résidentiels au Luxembourg continue d’être caractérisé par une forte croissance des prix qui, combinée avec un niveau élevé et croissant d’endettement des ménages (atteignant 181,5 % du revenu disponible au troisième trimestre 2018) pourrait être une source de risque systémique pour la stabilité financière sans la mise en place de mesures additionnelles.  

Les instruments macroprudentiels basés sur l’emprunteur (borrower-based measures), comme le ratio prêt-valeur (LTV), pourraient aider à remédier à ces vulnérabilités financières susceptibles d’avoir des effets néfastes sur l’économie réelle. Ces outils maroprudentiels agissant du côté de la demande de crédits relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel ne sont pas actuellement disponibles dans la boîte à outils macroprudentielle du Luxembourg, même si un projet de loi relatif à l’introduction de ces instruments a été soumis au Parlement luxembourgeois en décembre 2017. La mise en œuvre effective de cette classe d’instruments macroprudentiels vise à contenir les risques liés à la dette des ménages et aux prix des biens immobiliers résidentiels.

             En attendant l’adoption du projet de loi sur ces instruments par la Chambre des députés, cette étude tente de déterminer le niveau optimal du ratio LTV ainsi que les paramètres optimaux d’une potentielle règle endogène de cet instrument macroprudentiel agissant sur la demande de prêts immobiliers. Ce travail s’inscrit également dans l’optique d’une recherche de la combinaison optimale entre un instrument macroprudentiel basé sur l’emprunteur (LTV) et un autre basé sur le prêteur (RW) dont le ratio et la règle optimaux sont aussi déterminés.

À cette fin, nous construisons un modèle d’équilibre général stochastique et dynamique (DSGE) d'économie fermée contenant le secteur des biens immobiliers résidentiels, la dynamique de la dette des ménages distinguant le flux de prêts immobiliers du stock de dette, le secteur bancaire à concurrence monopolistique ainsi qu’une contrainte d’endettement (ou de collatéral) des ménages. Le modèle est estimé sur la base des données luxembourgeoises en utilisant l’estimation bayésienne.

Les résultats de l’étude se résument comme suit. Tout d’abord, en se basant sur l’analyse du bien-être et dans un contexte de baisse du taux d’intérêt, les ratios optimaux non-joints de LTV et du RW obtenus pour le Luxembourg s’élèvent respectivement à 90 % et 30 % tandis que les ratios optimaux joints se situeraient respectivement à 100 % et 10 %. La combinaison des deux ratios (LTV et RW) améliore le bien-être social comparativement à la mise en œuvre du seul ratio LTV, suggérant ainsi une complémentarité entre ces deux instruments en termes de bien-être. Cependant, l’application du seul ratio optimal de LTV génère plus d’effets stabilisants sur la dette immobilière et les prix de l’immobilier résidentiel que la combinaison des deux instruments. En particulier, lorsque l’instrument LTV est appliqué seul et de manière exogène, nous trouvons que, dans un contexte d’assouplissement monétaire, son niveau optimal est très contraignant (à 20 %) pour être réaliste. Cela conduit à une perte de bien-être relativement à la combinaison avec le plancher du RW, tandis que ce niveau trop restrictif du ratio LTV stabilise la dette des ménages et le prix de l’immobilier en comparaison avec l’implémentation des deux instruments LTV et RW à la fois. Néanmoins, il apparaît dans nos résultats que les règles endogènes et variables dans le temps pour les ratios LTV et RW améliorent le bien-être social et stabilisent mieux la dette des ménages et le prix des biens immobiliers à usage résidentiel, comparativement aux ratios exogènes et statiques de ces instruments. Finalement, nous trouvons que les combinaisons optimales entre les ratios LTV et RW dessinent une forme convexe. Il est à rappeler que les résultats obtenus sont conditionnés au cadre spécifique du modèle développé (structure et hypothèses).

 

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.

 

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu