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Publication du Cahier d'études n° 135: The LU-EAGLE Model with Disaggregated Public Expenditure
Auteurs: Pablo Garcia Sanchez et Alban Moura
Pendant la récession de la fin des années 2000, de nombreux gouvernements à travers le monde ont adopté des plans de relance budgétaire (p.ex. le plan de 2008 pour l’Union Européenne et ceux de 2009 pour les Etats-Unis et pour la Chine), ce qui a ravivé le débat quant à la capacité de l’instrument budgétaire à stabiliser l’économie. Plus récemment, la baisse continue des taux d’intérêt a réduit le coût de la dette publique dans les économies avancées, relançant les voix en faveur d’une politique budgétaire plus expansive. Aussi, la faiblesse de l’inflation a conduit à la baisse des taux d’intérêt nominaux à des niveaux proches de zéro (et parfois négatifs), ce qui amène à penser qu’une éventuelle détérioration des conditions économiques pourrait exiger une réponse plus active de la politique budgétaire dans le futur.
Au vu de ces débats, ce travail propose une extension du modèle LU-EAGLE, un modèle d’équilibre général de l’économie luxembourgeoise développé à la Banque centrale du Luxembourg. La version originale du modèle étant déjà assez riche quant à la description des instruments d’imposition, l’extension vise à enrichir le volet relatif aux dépenses publiques.
Plus précisément, nous introduisons trois changements dans le modèle :
- Premièrement, nous remplaçons l’hypothèse restrictive selon laquelle le secteur public achète un bien homogène et improductif par l’hypothèse plus réaliste selon laquelle il existe trois types de dépense publique : la consommation publique hors rémunération des employés du secteur public, l’investissement public et la rémunération des employés du secteur public.
- Deuxièmement, nous introduisons un nouveau mécanisme de propagation relatif aux chocs de consommation publique, sous la forme de complémentarités entre la consommation privée et publique. Intuitivement, dans le modèle ces complémentarités poussent les ménages à augmenter leur consommation suite à une hausse de la consommation publique, de manière à obtenir un effet d’entraînement de la demande privée.
- Troisièmement, nous relâchons l’hypothèse selon laquelle les dépenses publiques sont totalement improductives, en supposant que le stock de capital public augmente la productivité du secteur privé. Ce mécanisme permet de transformer ce qui est initialement un choc de demande (une hausse de l’investissement public) en un choc d’offre (une hausse de la productivité du secteur privé), offrant un canal supplémentaire pour l’analyse de la politique budgétaire.
Nous calibrons la nouvelle version du modèle sur des données luxembourgeoises, en portant une attention particulière aux paramètres spécifiques à l’extension. Les plus importants concernent le degré de complémentarité entre la consommation privée et publique et l’effet du stock de capital public sur la productivité du secteur privé. Nous calibrons le degré de complémentarité de manière à reproduire dans le modèle les résultats d’une analyse de type VAR structurel pour le Luxembourg, selon laquelle la consommation privée augmente suite à un choc positif de consommation publique. En ce qui concerne l’effet du stock de capital sur la productivité du secteur privé, nous considérons plusieurs valeurs tirées de la littérature académique.
Nous simulons ensuite le modèle pour étudier son comportement à la suite de chocs augmentant soit la consommation publique, soit l’investissement public, soit l’emploi public. Nous obtenons trois résultats principaux :
- En présence de complémentarités, une hausse de la consommation publique au Luxembourg entraîne une réponse positive de la consommation privée et de l’investissement privé. Cependant, l’impact sur le PIB reste limité de par l’important effet d’éviction lié aux importations.
- Une hausse de l’investissement public peut avoir des effets positifs importants dans le moyen/long terme. L’amélioration de la productivité du secteur privé stimule les capacités de production et augmente la compétitivité de l’économie, ce qui permet de satisfaire une hausse de la demande intérieure et extérieure.
- Une hausse de l’emploi public génère l’effet d’entraînement le plus important sur le PIB à court terme, en grande partie à cause d’un moindre effet d’éviction par les importations.
Selon ces simulations, les trois catégories de dépenses publiques considérées induisent des réponses différentes de l’économie luxembourgeoise. Ainsi, aucun des instruments budgétaires ne « domine » les autres. Au contraire, les effets hétérogènes que nous identifions permettent au décideur de politique économique de combiner les différentes dépenses afin de mieux cibler l’état du cycle économique et son horizon de planification.
Pour la même raison, le modèle indique qu’une réorientation des différents types de dépenses publiques peut avoir des effets importants sur l’économie, même à dépense totale inchangée. Nous illustrons cette propriété en simulant l’impact d’une baisse de la consommation publique associée à une hausse de l’investissement public du même montant. Le modèle suggère qu’une telle réorientation a un effet positif sur l’économie dans le moyen terme, tout en limitant les coûts de transition grâce à son caractère budgétaire neutre.
Enfin, soulignons que selon le modèle les multiplicateurs fiscaux au Luxembourg sont de taille limitée: le multiplicateur associé à l’emploi public dépasse légèrement l’unité à court terme, mais, à long terme, tous les multiplicateurs convergent vers des valeurs inférieures à 0,60. Comme déjà établi pour d’autres pays, ces multiplicateurs limités reflètent les effets d’éviction importants présents dans des petites économies ouvertes telle que le Luxembourg.
Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.
Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu