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Publication du Cahier d’études n° 168 : How well do DSGE models with real estate and collateral constraints fit the data?
Auteur: Alban Moura et Olivier Pierrard
Au cours de l’année 2007, une chute du marché immobilier américain s’est muée en crise financière généralisée, provoquant finalement une récession internationale. Cet épisode a ravivé l’intérêt des économistes pour les interactions entre le marché immobilier, la stabilité financière et la macroéconomie. Un grand nombre d’études publiées dans ce contexte développent des modèles DSGE (Dynamic Stochastic General Equilibrium) dans lesquels les actifs immobiliers contribuent au bien-être des ménages (dimension résidentielle) et constituent un facteur de production pour les entreprises (dimension commerciale). Ces modèles décrivent également la capacité des actifs immobiliers à servir de collatéral, c’est-à-dire à permettre aux ménages et aux entreprises d’obtenir plus facilement des prêts. Ces études étudient par exemple comment une chute des prix de l’immobilier affecte la consommation des ménages ou l’investissement des entreprises. Certaines analysent aussi la capacité des politiques macro-prudentielles à limiter les crises immobilières.
Cependant, aucune de ces études n’établit clairement la capacité de ce type de modèles de reproduire les principales caractéristiques des données. Par exemple, ces modèles sont-ils capables de générer une forte persistance des prix de l’immobilier, comme observé dans les données ? Sont-ils capables de reproduire la forte corrélation entre les prix de l’immobilier et l’encours des crédits, toujours comme observé dans les données ? Il s’agit pourtant d’une question importante car un modèle incapable de reproduire les données perd en crédibilité pour évaluer la politique économique.
Ce papier propose une évaluation empirique de ce type de modèles. Nous considérons un modèle DSGE avec immobilier (résidentiel et commercial) et des contraintes de collatéral, dans la lignée des travaux de référence de Iacoviello (American Economic Review, 2005), Iacoviello et Neri (American Economic Journal : Macroeconomics, 2010) et Liu et al. (Econometrica, 2013). Nous estimons ce modèle sur données américaines, avant d’évaluer sa concordance avec les observations disponibles. Nos résultats soulignent l’incapacité du modèle à reproduire tant la persistance des prix de l’immobilier que leur forte corrélation avec le niveau de dette dans l’économie. Ce dernier point suggère que la formulation habituelle de la contrainte de collatéral n’est pas satisfaisante empiriquement.
Deux conclusions découlent de nos résultats. D’abord, l’incapacité de ce type de modèles à reproduire correctement les données signifie qu’il est hasardeux de mettre trop de confiance dans leurs implications quantitatives, par exemple quant à l’évaluation de politiques économiques. Ensuite, en identifiant les principales faiblesses de ces modèles, notre étude souligne les dimensions à améliorer dans le futur : l’introduction de source(s) de persistance pour les prix de l’immobiliers et des contraintes de collatéral plus en ligne avec la réalité. A cet égard, certaines tentatives d’amélioration ont récemment été avancées (modèles de recherche, anticipations non rationnelles, collatéral limité et dette de long terme, etc.), mais dans le cadre de petits modèles en équilibre partiel. Intégrer et tester ces modifications dans des modèles DSGE constitue la prochaine étape dans l’agenda de recherche.
Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.
Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu