Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n° 190 : Green transition in the euro area: domestic and global factors

19.09.2024

Auteurs: Pablo Garcia, Pascal Jacquinot, Črt Lenarčič, Kostas Mavromatis, Niki Papadopoulou et Edgar Silgado-Gómez

 

Le changement climatique concerne non seulement la stabilité des prix, objectif primaire de la politique monétaire de la zone euro, mais aussi ses objectifs secondaires, dont le soutien aux politiques économiques générales dans l’Union européenne. Ainsi, en novembre 2023, lors du dialogue monétaire avec le Parlement européen, Mme Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), a rappelé les mesures prises par les banques centrales dans le cadre de leur mandat. En particulier, le 30 janvier 2024, la BCE a décidé d’étendre ses travaux sur le changement climatique, en se concentrant sur trois domaines principaux, dont les conséquences et les risques de la transition écologique de l’économie.

La transition écologique vers des solutions économiques et énergétiques durables comporte une réduction de la dépendance aux combustibles fossiles et une utilisation plus raisonnable des ressources naturelles. Ce changement aura un impact sur l’économie, entraînant, par exemple, une réaffectation des emplois et des capitaux, des changements dans la dynamique de l’inflation et des probables pertes de production dans certains secteurs et des gains dans d'autres à court et moyen terme. Donc, le succès de la transition écologique exige des politiques bien choisies afin de protéger les ménages et les secteurs les plus exposés. Les taxes carbones et les subventions aux sources d’énergie verte peuvent être des outils clés dans cette démarche, car elles sont jugées efficaces et faciles à mettre en œuvre. Cependant, calibrer et appliquer ces outils avec succès exige une compréhension approfondie de leurs effets potentiels sur l’économie, non seulement pour la production et l’inflation au niveau macro-économique, mais aussi à un niveau plus détaillé de désagrégation, puisque leur impact peut être différent à travers les ménages et les différents secteurs de production.

Dans cet article, nous utilisons un modèle de l’économie mondiale pour analyser les implications macroéconomiques des politiques visant à avancer la transition écologique, en mettant l’accent sur les taxes carbone et les subventions vertes. En particulier, nous utilisons l’Euro Area and Global Economy (EAGLE), un modèle d’équilibre général stochastique dynamique représentant la zone euro (ZE) au sein de l’économie mondiale. Avec sa matrice détaillée des échanges du commerce international et sa distinction entre les secteurs exposés et abrités, le modèle EAGLE fournit un cadre complet pour évaluer à la fois les effets des mesures environnementales au niveau national et leurs retombées internationales ainsi que les interdépendances macroéconomiques à travers la ZE, les États-Unis et le reste du monde. Cependant, cette analyse a exigé une extension du modèle EAGLE de base pour intégrer une dimension environnementale en utilisant des techniques de modélisation bien établies dans la littérature.

Nous évaluons les implications macroéconomiques d’une taxe carbone sous la forme d’une surtaxe sur le prix de l’énergie brune, prélevée à la fois sur les consommateurs et les producteurs de biens intermédiaires. En premier lieu, nous considérons l’introduction d’une taxe carbone exclusivement au sein de la ZE, sans aucune redistribution des recettes.  Dans un deuxième moment, nous considérons une redistribution des recettes en faveur des entreprises qui produisent l’énergie verte et des ménages sujets à des contraintes financières.

En l’absence de toute redistribution, la taxe carbone agit comme un choc d’offre négatif, entraînant une réduction de la production et une augmentation de l’inflation. En réponse à cette pression inflationniste, l’autorité monétaire augmente le taux d’intérêt, ce qui conduit à l’appréciation de l’euro par rapport au panier de devises de ses partenaires commerciaux et à une contraction de la balance commerciale. En ce qui concerne l’utilisation et la production d’énergie, la taxe carbone fonctionne comme prévu : la hausse du prix de l’énergie brune réduit la demande tant des entreprises que des ménages, ce qui entraîne une diminution de la production d’énergie brune, tandis que la production d’énergie verte augmente en réponse.

Quand une partie des recettes de la taxe carbone est destinée à financer une subvention aux entreprises qui produisent l’énergie verte, elles baissent leurs prix, ce qui augmente la demande pour l’énergie verte, réduisant la contraction de la demande globale et, par conséquent, de la production, avec une augmentation plus faible de l’inflation. De plus, par rapport au scénario sans subventions, les ménages consomment moins d’énergie brune, ce qui encourage la transition vers l’énergie verte. En ce qui concerne la redistribution d’une partie des recettes de la taxe carbone vers les ménages sujets à des contraintes financières, les effets sont très similaires.

Lorsque la taxe carbone est introduite à l’échelle mondiale (et non seulement dans la ZE) et que les recettes de cette taxe sont destinées à financer une subvention aux entreprises qui produisent de l’énergie verte, la contraction de l’activité économique au sein de la ZE est encore plus profonde et plus prolongée. De plus, l’inflation augmente davantage et devient plus persistante. Cependant, avec la taxe carbone mondiale, la chute de l’investissement dans les secteurs polluants est plus importante que lorsque la taxe n’est appliquée que dans la ZE. Cela favorise la transition verte.

Enfin, nous considérons des taxes sur le capital brun accompagnées de subventions à l’investissement en capital vert. Pour la plupart, ces mesures conduisent à une contraction plus importante de l’activité économique et à une baisse de l’inflation. De plus, les taxes sur le capital brun ne parviennent pas à renforcer la transition verte, contrairement à la taxe carbone. 

Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.

 

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu