Prince Henri Auditoire 02 BW

Publication du Cahier d’études n° 195 : Monetary Aggregates and Inflation: A New View on an Old Relationship

14.02.2025

Auteurs: Gianni Amisano et Roberta Colavecchio

 

En juillet 2021, la Banque centrale européenne a publié une nouvelle stratégie de politique monétaire basée sur un examen intégré qui repose sur l’analyse économique et l’analyse monétaire et financière.  Cet examen intégré a remplacé le précédent cadre à deux piliers, mettant fin à la vérification croisée entre les informations provenant de l'analyse monétaire et celles de l'analyse économique.  Alors qu'auparavant l'analyse monétaire se concentrait sur la détection des risques pesant sur la stabilité des prix à moyen et long termes, la nouvelle analyse monétaire et financière se concentre sur le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire, tout en évaluant également comment l'accumulation des vulnérabilités et des déséquilibres financiers peut affecter les risques extrêmes concernant la production et l'inflation.  La nouvelle analyse monétaire et financière représente donc un changement d'orientation significatif qui reflète les nouveaux défis qui sont apparus depuis la crise financière mondiale.

Selon la théorie quantitative de la monnaie, développée initialement par David Hume et d'autres économistes, il existe à long terme un lien univoque entre la croissance de la monnaie et l'inflation. De nombreuses études empiriques ont validé cette relation de long terme, qui est aujourd'hui généralement acceptée dans la littérature macroéconomique. Toutefois, depuis la Seconde Guerre mondiale des signes d'instabilité sont apparus dans cette relation, donnant lieu à plusieurs controverses concernant l’utilisation des agrégats monétaires comme indicateurs de l'inflation future. En particulier, l’intensité de la relation entre la croissance monétaire et l'inflation semble varier en fonction des changements de régime monétaire et leur corrélation s'affaiblit considérablement ou disparaît pendant des périodes d'inflation faible et stable.

C'est pourquoi, au début des années 1990, la plupart des banques centrales ont abandonné le ciblage monétaire au profit du ciblage de l'inflation, avec l'émergence de modèles théoriques de la nouvelle économie keynésienne qui limitent le mécanisme de transmission de la politique monétaire au canal des taux d'intérêt, de sorte que la politique monétaire a souvent été menée sans référence à la quantité de monnaie.

En 2021, les taux d'inflation ont rapidement dépassé leurs niveaux cibles, d'abord aux États-Unis, puis en Europe. La croissance monétaire ayant été extraordinairement rapide avant cette poussée d'inflation, elle a relancé le débat sur le rôle de la croissance monétaire en tant que prédicteur de l'inflation. Ce document examine le lien entre la croissance monétaire et l'inflation dans la littérature théorique et empirique afin d'évaluer si la croissance monétaire aurait pu fournir une alerte précoce des risques pesant sur la stabilité des prix à moyen terme aux États-Unis et dans la zone euro.

Nous adoptons une approche à changement de régime pour examiner le lien entre croissance monétaire et inflation, afin d’évaluer le contenu informatif des variables monétaires en tant que signaux d'alerte pour les changements de régime d'inflation. En particulier, nous modélisons l'inflation comme un processus autorégressif univarié avec changement de régime, dans lequel les probabilités de passer d'un régime d'inflation à l'autre dépendent du taux de croissance de la monnaie.

Nos résultats montrent que la croissance monétaire peut être utile pour prévoir l'inflation pendant certains épisodes, notamment les années 1970, le début des années 1980 et la récente phase post-pandémique. Nos résultats expliquent également pourquoi la croissance monétaire a apparemment cessé de fournir un signal utile de l'inflation à venir entre 1990 et 2021. En conclusion, nous trouvons que la relation entre croissance monétaire et inflation est non-linéaire, de sorte qu’une croissance plus rapide de la masse monétaire signale une probabilité plus importante d’entrer dans un régime d’inflation “élevée”, améliorant ainsi l’évaluation des risques pesant sur la stabilité des prix.

 Le contenu de cette étude ne doit pas être perçu comme étant représentatif des opinions de la Banque centrale du Luxembourg ou de l’Eurosystème. Les opinions exprimées reflètent celles des auteurs et non pas nécessairement la position de la Banque centrale, de ses dirigeants ou de l’Eurosystème.

Ce cahier d’études est disponible sur le site internet de la BCL : www.bcl.lu