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Publication du Cahier d'Etudes No 12 de la Banque centrale du Luxembourg
« Inflation persistence in Luxembourg a comparison with EU15 countries at the disaggregate level »
par T.Y. Mathä, P. Lünnemann
Pour les autorités monétaires et les banques centrales, il est essentiel de savoir avec quelle rapidité le taux d’inflation revient à son niveau d’équilibre après un choc afin d’évaluer l’impact de la politique monétaire à court terme. Ainsi, une vaste littérature analysant le degré de persistance de l’inflation a vu le jour au cours de ces dernières années. Pour la zone euro, en particulier, l’analyse de la persistance est motivée par une certaine résistance de l’inflation à la baisse malgré un ralentissement conjoncturel depuis 2001 et une forte appréciation du taux de change effectif nominal de l’euro depuis la fin d’année 2002.
Une des questions fondamentales est de savoir si la persistance suit une racine unitaire. De récentes études empiriques suggèrent non seulement que le degré de persistance a varié dans le temps, mais également que l’inflation n’est pas intrinsèquement un processus persistant. En général, l’analyse empirique de la persistance de l’inflation se focalise sur le taux d’inflation agrégé. Cependant, l’utilisation de données désagrégées peut être très utile. Elle permet non seulement une meilleure comparaison de la persistance de l’inflation à travers de nombreux secteurs et différents pays, mais aussi une meilleure localisation des sources potentielles de la persistance. De plus, cette approche est motivée par le consensus théorique, à savoir que le degré de persistance au niveau agrégé est majoritairement dû aux composantes les plus persistantes.
Cette étude analyse le degré de persistance de l’inflation au Luxembourg au niveau le plus désagrégé de l’indice des prix à la consommation harmonisé. Dans un second temps, notre souci est de comparer ce degré à celui de l’UE15, de la zone euro et des autres pays membres.
En tout, nous donnons des résultats pour plus de 1400 indices des prix officiellement publiés par Eurostat. La période de référence s'étend de janvier 1995 à décembre 2003. Afin d’évaluer la pertinence de nos résultats, deux indicateurs sont utilisés – paramétrique et non-paramétrique – pour mesurer le degré de persistance de l’inflation. La somme des coefficients auto-régressifs résultant d’estimations univariées constitue l’indicateur principal du degré de persistance de l’inflation. L’indicateur secondaire est une mesure non-paramétrique basée sur le retour à la moyenne.
Nos résultats démontrent une hétérogénéité importante à travers les pays et les indices. Globalement, les résultats suggèrent un faible niveau de persistance de l’inflation moyenne et médiane. Pour la plupart des indices, nous sommes non seulement en mesure de rejeter l’hypothèse d’une racine unitaire, mais également la notion d’une inflation désagrégée montrant un degré élevé de persistance. Pour les 1 247 indices des états-membres individuels de l’UE15, nous estimons que 93% des paramètres de la persistance de l’inflation reposant sur les coefficients SAR se situent parmi les limites –0.75 £ r £ 0.75, tandis que pas moins qu’environ 70 % des estimations de r tombent dans l’intervalle 0 £ r £ 0.75. De même, la seconde mesure de la persistance de l’inflation s’appuyant sur les coefficients du retour à la moyenne révèle un grand nombre d’indices dans l’éventail 0.3 £ γ £ 0.7, pour lesquels l’hypothèse d’une persistance égale à zéro n’est généralement pas rejetée. Les résultats empiriques démontrent en outre que le taux de la persistance de l’inflation au Luxembourg est relativement bas comparé aux autres pays de l’UE15.
De plus, nous trouvons quelque soutien pour un effet d’agrégation dans la mesure où l’inflation agrégée démontre un degré plus élevé de persistance que la moyenne pondérée des séries désagrégées. Cet effet d’agrégation « positif » est plus prononcé en mesurant la persistance par le biais des coefficients SAR et en agrégeant à travers les pays, comparé à une agrégation à travers les sous-indices. Néanmoins l’hétérogénéité est importante pour autant que ces effets paraissent moins systématiques que ceux observés ailleurs.
Afin d’éviter un biais systématique à la hausse au niveau du degré de persistance, nous étudions la possibilité d’un changement structurel. D’une part nous tenons compte d’une rupture exogène au départ du troisième stage de l’UEM. D’autre part, nous analysons les effets d’une modification importante dans l’établissement de l’IPCH, à savoir l’inclusion des prix soldés. Il est démontré que cette modification a un impact non-négligeable sur les caractéristiques de certaines séries désagrégées d’inflation. De telles ruptures structurelles apparaissent particulièrement fortes au Luxembourg, où elles semblent liées essentiellement à l’instabilité de la constante et à une plus grande volatilité du processus inflationniste. Au Luxembourg, et de manière générale pour les indices subissant les retombées des soldes de fin de saison, le degré mesuré de la persistance de l’inflation tend à être plus bas après l’introduction des prix soldés. Les effets d’une rupture structurelle résultant du traitement modifié des soldes ne peuvent être démêlés aisément des effets d’une éventuelle rupture provenant de l’introduction d’une nouvelle stratégie de politique monétaire et, implicitement, d’un nouvel objectif en termes d’inflation au début du troisième stage de l’UEM. Néanmoins, il semblerait que le traitement modifié des soldes est le facteur le plus important servant à expliquer une rupture et devrait donc recevoir l’attention que lui est due dans l’analyse des caractéristiques des séries d’inflation désagrégées et de la présence d’éventuelles ruptures.
Pour le Luxembourg, un taux relativement élevé de persistance de l’inflation est observé pour les sous-indices « cp1111 Restaurants », « cp0112 Viandes » et « cp0116 Légumes ». Un faible taux de persistance de l’inflation est constaté pour les sous-indices « cp0913 Matériel informatique » et « cp022 Tabacs ». Ceci vaut particulièrement pour les périodes après-soldes et après-UEM. Comparé aux autres pays de l’UE15, mais également en termes absolus, il semble que le degré de persistance de l’inflation est, en moyenne, faible pour les biens, qu’ils soient durables ou non-durables. Un taux relativement élevé de persistance de l’inflation est observé, en moyenne, pour la nourriture et les produits énergétiques. En moyenne, le taux de persistance de l’inflation ne semble pas plus élevé pour les services que pour les autres catégories.
Le Cahier d'études N°12 de la BCL peut être obtenu dans la limite du stock disponible sur simple demande adressée à la Banque centrale du Luxembourg, Section Communication, ou téléchargé sur le présent site internet.