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Vœux du Président pour 2011
Durant les 12 premières années de son existence, l’Eurosystème a pleinement rempli son mandat en assurant la stabilité des prix. En revanche, malgré de nombreuses mises en garde de l’Eurosystème, la discipline budgétaire n’a pas été maintenue et les nécessaires réformes structurelles n’ont pas été mises en œuvre.
L’année qui est sur le point de se terminer a été marquée par des crises de dette souveraine dans certains Etats membres de la zone euro. Les marchés financiers, après avoir ignoré durant de longues années la divergence des performances économiques des différents pays de la zone euro, se sont mis brusquement à douter de la capacité de certains de ces pays à servir leur dette.
Une seule leçon est à tirer de ces évènements : un membre d’une union monétaire ne peut en aucun cas se permettre de voir sa compétitivité se détériorer, année après année, par rapport à ses principaux partenaires commerciaux. La situation d’un petit pays ouvert, caractérisé en outre par une certaine dépendance au secteur financier, peut rapidement se dégrader faute d’une vigilance suffisante en matière de finances publiques et de compétitivité. L’exemple de l’Irlande, économie ouverte qui a connu des années de forte croissance liée à une fiscalité avantageuse et à un centre financier florissant, et qui a été touché de plein fouet par la crise de la dette souveraine, n’est-il pas particulièrement éloquent pour le Luxembourg ?
Dans ce contexte, le Luxembourg doit impérativement, et dès à présent, agir sur deux fronts : en relançant sa compétitivité, d’une part, et en assainissant résolument ses finances publiques, d’autre part. Force est de constater que le Gouvernement a pourtant relâché ses efforts, tant en matière de consolidation budgétaire que de coûts salariaux, ce qui, conjugué aux nombreux défis auxquels nous faisons face, augure un avenir bien sombre pour l’économie de notre pays.
Les défis auxquels celle-ci fait face sont d’ailleurs doublés d’un ensemble de conditions bien peu favorables. La dépendance du Luxembourg au secteur financier est d’autant plus menaçante que les résultats de ce secteur, dans le sillage de la crise, ne sont guère encourageants, et que les efforts de régulation accrue dans le secteur risquent d’affecter sa profitabilité et son attractivité. Il est aujourd’hui impensable que le Luxembourg renoue avec les taux de forte croissance observés entre 1980 à 2007, liés en grande partie au dynamisme du secteur financier.
Par ailleurs, l’avenir du secteur non financier, qui pâtit déjà des effets de la crise chez nos partenaires commerciaux, est en outre condamné par la dérive de notre compétitivité, liée à une faible productivité et à une inflation systématiquement plus forte que chez nos voisins, en raison notamment du mécanisme d’indexation automatique.
Autre défi d’importance, le chômage se transforme en phénomène de longue durée et frappe de plus en plus les personnes relativement âgées ou ayant un niveau de qualification inférieur, et ce alors que l’OCDE vient de pointer du doigt la faiblesse des performances luxembourgeoises en matière d’éducation.
Le démantèlement de l’assainissement budgétaire, un assainissement crucial dans les circonstances actuelles, est déplorable. Nous faisons face au décrochage de la croissance potentielle, à des incertitudes quant à la situation économique de nos principaux partenaires commerciaux, au vieillissement démographique qui pèsera lourdement sur les dépenses d’assurance vieillesse et maladie, et à la perspective de l’étiolement de certaines recettes fiscales – carburant, TVA électronique - dans les décennies à venir. Pourtant, les dépenses continuent à augmenter.
Une réponse adéquate et peu dommageable pour l’économie serait de plafonner les dépenses, qui ont connu une progression moyenne deux fois plus élevée que dans la zone euro de 2001 à 2009. La marche à suivre serait d’instaurer une norme établissant un tel plafonnement, dont le respect serait assuré par un comité d’experts indépendant.
Est-il besoin de rappeler que la crise de la dette souveraine que j’évoquais en introduction a trouvé ses racines dans trois manquements qui ont caractérisé l’union économique européenne depuis sa création : le laxisme des politiques budgétaires, l’inadéquation de certaines politiques macroéconomiques, et la déficience de la surveillance mutuelle entre les Etats membres ? Il est souvent dit que l’Europe se forme dans les crises. Les dirigeants européens ont certes démontré leur capacité de réaction rapide en créant des mécanismes de sauvetage pour les Etats membres de la zone euro en grande difficulté financière, le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF) ainsi que le Fonds européen de stabilité financière (FESF), remplacés dès 2013 par un mécanisme permanent, le Fonds européen de stabilité. Cependant, au-delà de ces nouveaux mécanismes, dont l’activation ne doit d’ailleurs intervenir que dans des circonstances exceptionnelles et sous stricte conditionnalité, il est crucial que les Etats tirent les leçons de cette crise, en intensifiant leurs efforts d’assainissement.
Dans ce contexte, il est impératif que la zone euro se dote d’un cadre rigoureux de surveillance mutuelle des politiques budgétaires et des politiques macroéconomiques. Les récentes propositions européennes en matière de réforme de la gouvernance économique de la zone euro vont dans la bonne direction, mais ne sont pas suffisamment ambitieuses pour assurer un fonctionnement sain et efficace de l’union monétaire. En premier lieu, les procédures de déficit excessif devraient être lancées plus rapidement, avec des sanctions précoces et appliquées de manière quasi-automatique selon des critères clairement définis. En second lieu, une plus grande importance devrait être accordée au critère de la dette, conformément à la lettre du Traité. Enfin, une procédure claire et transparente devrait être mise en place pour évaluer les politiques macroéconomiques nationales et émettre des recommandations pour des actions correctrices si des déséquilibres étaient constatés, le tout sur base d’une analyse économique jouissant d’un haut niveau d’indépendance.
Une avancée importante pour le renforcement du cadre européen de supervision et de surveillance interviendra avec la mise en place d’un nouvel organe, le Comité européen du risque systémique (CERS), au sein d’un nouveau Système européen de supervision financière. Associant notamment les gouverneurs du Système européen de banques centrales et le Président de la BCE, le CERS sera chargé d’assurer la surveillance macroprudentielle du système financier de l’Union européenne et contribuera à renforcer l’action préventive de l’Europe face au risque systémique, qui a tant fait défaut lors de la récente crise financière.
Malgré les difficultés mentionnées, la zone euro continue de croître. Je souhaite la bienvenue à la Banque d’Estonie, qui intégrera l’Eurosystème au 1er janvier 2011, portant à 17 le nombre d’Etats ayant adopté l’euro.
C’est dans ce contexte que je tiens à adresser mes meilleurs vœux à chacune et à chacun.
Yves Mersch, Président de la BCL