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Publication du cahier d'études n° 62: Aging and Pensions in General Equilibrium: Labor Market imperfections matter
Baisse de la natalité, hausse de la longévité et vieillissement de la génération ‘baby-boom’, tout cela contribue et contribuera à la hausse du taux de dépendance des personnes âgées (nombre d'individus de 65 ans et plus par rapport au nombre d'individus de 20 à 64 ans) dans nos pays européens. L'essentiel de cette hausse du taux de dépendance devrait avoir lieu d'ici 2050 et cela soulève beaucoup de questions sur le financement futur de nos systèmes de pensions par répartition (les retraites sont financées par des cotisations basées sur les revenus professionnels des travailleurs actuels). De nombreux pays ont d'ailleurs déjà réformé leur système de pension, ou alors sont en train - ou tentent - de le faire.
Il est donc évident qu'une bonne compréhension de l'incidence de ces chocs démographiques ainsi que des effets potentiels d'un changement du système de pension est nécessaire - voire même indispensable - et que cette compréhension ne peut se faire que dans le cadre d'un modèle d'équilibre général, afin de bien prendre en compte toutes les interactions entre les agents économiques. Cependant, la plupart des modèles d'équilibre général qui ont été utilisés jusqu'à présent supposent que le marché du travail est parfaitement compétitif. En particulier, dans ces modèles, l'ajustement se fait à travers les heures individuelles (ajustement intensif) plutôt qu'à travers l'emploi (ajustement extensif). Or l'ajustement extensif peut jouer un rôle non négligeable, principalement dans les pays européens, où le marché de travail est fortement institutionnalisé, ce qui affecte les processus de création et de destruction d'emplois.
Le but de ce papier est méthodologique : en quoi l'introduction de frictions sur le marché du travail dans un modèle change-t-elle notre compréhension des effets des chocs démographiques et institutionnels ? Pour ce faire, nous construisons un modèle dans lequel le marché du travail est imparfait et s'ajuste de manière extensive. Nous simulons par ailleurs des chocs démographiques (natalité, vieillissement) et institutionnels (une réforme des pensions). Nous regardons ensuite ce que cela change par rapport aux mêmes simulations effectuées au moyen d'un modèle identique, mais avec un marché du travail parfaitement compétitif qui s'ajuste de manière intensive. Plus précisément, notre modèle combine deux pans de la littérature économique : les modèles d'équilibre général à générations imbriquées à la Auerbach et Kotlikoff (1987) et les modèles d'appariement sur le marché du travail à la Pissarides (2000). Nous introduisons également la possibilité de préretraites. En effet, si l'âge officiel de la retraite est fixe et assez semblable dans la plupart des pays européens, l'âge effectif de la retraite peut varier assez sensiblement selon les pays, en fonction du rôle des différentes institutions du marché du travail (par exemple la générosité relative des revenus de préretraite). Il est donc probable que des chocs démographiques et institutionnels affectent cet âge effectif de retraite et c'est pour cela que la décision de préretraite est endogène dans notre modèle. Pour décrire le processus démographique, nous utilisons des données françaises sur les prévisions de mortalité, de fertilité et de migration au cours des cinquante prochaines années. Ensuite, nous simulons deux réformes potentielles du système de retraite : la suppression des préretraites et le passage d'un système de retraite par répartition à un système de retraite par capitalisation (les sommes mises en réserve aujourd'hui financeront les pensions de demain).
Notre résultat le plus important est que l'introduction de frictions sur le marché du travail dans un modèle d'équilibre général crée un lien important entre le taux d'intérêt et le taux de chômage. La principale raison est que des taux d'intérêt plus faibles stimulent la demande de travail et donc incitent les entreprises à créer de nouveaux postes. En conséquence, le taux d'emploi est plus élevé, tout comme les salaires négociés. De plus, la hausse des salaires stimule également le taux de participation des travailleurs âgés et donc augmente l'âge effectif de départ à la retraite. Des chocs exogènes, comme le vieillissement de la population ou les deux réformes des pensions mentionnées ci-dessus, qui augmentent l'épargne (offre de capital) et donc diminuent le taux d'intérêt, réduiront dès lors également le taux de chômage à travers ce lien taux d'intérêt-chômage. En conclusion, nous montrons que ne pas introduire d'imperfections et d'ajustement extensif sur le marché du travail dans les modèles d'équilibre général peut conduire à une sous-estimation des effets positifs d'une réforme des pensions.
Vu le rôle central joué par le taux d'intérêt, il serait intéressant d'étendre cette étude à un modèle à plusieurs régions et avec libre mouvement des capitaux. Notre recherche à venir devrait donc approfondir le mécanisme de détermination du taux d'intérêt et de l'impact de chocs démographiques asymétriques entres régions sur le financement des pensions.
Le cahier d'études n° 62 de la BCL peut être téléchargé sur le site de la BCL www.bcl.lu