- Publications de la Banque centrale européenne
Campagne d'Information Euro 2002 - Allocution de Yves Mersch
Luxembourg, le 3 juillet 2001
Seule la parole prononcée fait foi
Introduction : les attentes, les craintes, les espoirs
Nous sommes à 182 jours de l'introduction des billets et pièces en euros. L'Eurosystème, indépendant et donc responsable, tient à faire le point.
Nous abordons la phase cruciale de notre programme d'émission de billets et de mise en circulation des pièces, tant pour la préparation logistique que pour l'information du public.
Le Luxembourg est le premier Etat participant à la zone euro où tout est préparé ; les inspections, la livraison, la répartition entre sites, même les opérations de conditionnement sont en cours.
Il nous tient à coeur de réunir aujourd'hui des représentants des autorités publiques, des professionnels directement concernés et de nos partenaires de communication, en particulier la presse.
Dans l'environnement multi-devises qui caractérise les paiements en espèces au Luxembourg, le passage à l'euro implique une simplification radicale. Ceci contribue sans doute à expliquer pourquoi, au Luxembourg, les craintes ou réserves à l'égard de l'euro sont moins perceptibles que dans d'autres Etats.
Ce n'est pas dire que les besoins d'information soient moindres. Nous sommes engagés depuis des mois dans une campagne d'information très active. La demande, continue et croissante, émanant de différents secteurs et du public, justifie l'accélération de nos travaux.
Notre campagne lancée en début d'année poursuit son développement ; elle atteindra bientôt son point culminant avec la révélation des éléments de sécurité à Francfort le 30 août prochain, ensuite à Luxembourg à la mi-septembre. Dès ce moment, nous activerons notre programme de formation du personnel spécialisé dans le traitement des espèces.
Les bienfaits de l'euro
La monnaie unique est un objectif politique pour nous depuis des décennies. Ses atouts intrinsèques au bénéfice de la transparence, de la promotion des échanges et de la stabilité, correspondent aux intérêts fondamentaux de notre économie ouverte.
L'émission des signes monétaires en euros est le complément bien nécessaire de l'introduction de l'euro en tant que monnaie scripturale depuis le 1er janvier 1999. L'euro a déjà contribué depuis lors au développement de la Place financière.
La réorientation des métiers financiers, l'augmentation des dépôts et la remarquable expansion des organismes de placement collectif en valeurs mobilières doivent beaucoup à l'introduction de cette monnaie, unité de compte, moyen de règlement et réserve de valeur en partage commun pour tous ses utilisateurs professionnels ou particuliers.
Luxembourg est un centre essentiel pour le marché monétaire et le traitement des valeurs mobilières et instruments financiers libellés en euros. La part de l'euro dans les émissions internationales a bien augmenté même si l'attrait de l'euro sur la scène internationale laisse encore à désirer.
Les chiffres du bilan de notre Banque ont connu un développement foudroyant ; ils révèlent l'importance effective de la Place financière au sein de la zone euro.
La participation des établissements de crédit de la Place aux opérations de politique monétaire atteint en moyenne plus de 7% de l'ensemble de la zone euro. Un tel chiffre est sans comparaison avec la part de capital que détient la BCL auprès de la Banque centrale européenne (un peu moins de 0,15 %).
Notre contribution aux nouveaux systèmes de paiement tel que le système TARGET, nos nouvelles missions notamment dans le domaine statistique ou celui de la surveillance des systèmes de paiement et d'opérations sur titres s'inscrivent dans le prolongement de l'Union monétaire, stimulant l'intégration financière. On peut observer qu'il s'agit d'autant de charges qui dépassent la part relative de la BCL dans l'Eurosystème. Aux services déjà rendus, s'ajoutent dorénavant l'émission des billets et la mise en circulation des pièces. En assumant cette fonction traditionnelle de Banque centrale, nous offrons une palette complète des services au bénéfice de nos citoyens.
L'euro donne une monnaie unique en partage à plus de 300 millions de citoyens, instaurant ainsi une communauté de solidarité irréversible.
Faut-il, pour convaincre l'opinion, imaginer ce qu'eût été la situation en l'absence de l'Union monétaire ?
Peut-on imaginer dans le futur une implosion de l'euro et la recréation de monnaies nationales ?
La monnaie commune est un complément nécessaire du Grand Marché, y compris le marché du travail. Rappelons aussi que le Traité instituant la Communauté européenne, fait de la monnaie unique non pas un but final, mais un moyen pour la réalisation des objectifs supérieurs de l'Union, qui incluent le progrès économique et social au sens le plus large.
L'Union monétaire est un stimulant efficace pour une discipline commune. En ce sens, elle apparaît comme un gage de solidarité, non seulement pour le citoyen d'aujourd'hui, mais aussi pour les générations futures. Elle maintient la stabilité des prix à l'intervention de l'Eurosystème ; elle stimule la croissance non-inflationniste, dans le respect du pacte de stabilité et de croissance des entités composantes ainsi que des orientations de politiques économiques arrêtées en commun.
Elle s'oppose à la tentation de rejeter à plus tard, sur les plus jeunes, le coût de politiques inadaptées.
En ce sens, l'Union monétaire devrait encourager les mesures structurelles encore bien nécessaires en Europe et dont la réalisation est la meilleure garantie d'accès égal de nos concitoyens aux droits économiques et sociaux.
La Conférence euro 2002
La séance d'aujourd'hui est l'occasion de rassembler ici, auprès de la Banque centrale du Luxembourg, nos principaux partenaires. Elle s'inscrit dans le contexte du cycle de conférences sur l'euro déjà organisées à Bruxelles, Francfort, Madrid, Lisbonne, Dublin et Vienne.
Cet après-midi nous avons pu faire le point sur les travaux préparatoires et de l'information du public, grâce au concours d'orateurs qualifiés et à l'aide de la presse que je remercie pour son action. Le bilan des exposés entendus lors des « workshops » qui viennent de se tenir me paraît très satisfaisant. Ce qui n'empêche qu'il reste beaucoup à faire.
Il me plaît d'accueillir Monsieur Christian Noyer, Vice-Président de la Banque centrale européenne, qui vient une nouvelle fois s'adresser au public luxembourgeois dont il sait les sentiments de sympathie à son égard.
Les billets en euros sont émis par toutes les Banques centrales de l'Eurosystème. Conformément à la structure fédérale de celui-ci, les dispositions sont prises pour assurer une émission harmonieuse de ces signes monétaires dans l'ensemble de l'espace de la zone euro.
On sait le rôle éminent joué par la Commission européenne depuis des années au bénéfice de l'introduction de la monnaie unique. Devrais-je évoquer le rôle des Présidents successifs de la Commission ? J'ai donc le plaisir d'accueillir Monsieur Hervé Carré qui nous parlera de l'action de son institution.
Tout au long de la campagne, nous avons veillé à maintenir une coopération étroite avec le Gouvernement.
Je suis heureux que Monsieur le Ministre Luc Frieden, qui nous rejoindra dans quelques instants, puisse faire le point sur les travaux en cours, à l'initiative du Gouvernement, dans le domaine législatif et de l'information.
La préparation de l'Eurosystème : aspects logistiques, techniques et juridiques de l'introduction de l'euro, du changeover et de la protection ultérieure.
L'opération de remplacement des monnaies nationales et l'introduction des billets et pièces en euros, dans moins de deux cent jours d'ici, prend allure de défi.
D'un point de vue logistique, il est souvent rappelé que cette opération est sans précédent dans l'histoire. Elle requiert de la part des Banques centrales participant à l'Eurosystème des efforts gigantesques.
L'émission des billets, fonction exclusive des Banque centrales de l'Eurosystème, englobe un long processus de production, et de contrôle de la qualité ;elle comporte aussi les opérations d'alimentation, de mise à disposition et d'entretien de la circulation dans le pays ; elle comporte enfin la gestion des incidents et la vigilance dans la détection de toute contrefaçon.
Nous veillons à mettre à la disposition du public un nombre suffisant de billets et de pièces. Le public à Luxembourg est large, il représente un multiple de la population nationale. L'Eurosystème a pris toutes les dispositions nécessaires en ce compris la constitution d'un stock de réserve.
Pour la Banque centrale du Luxembourg, il incombe dans une première phase d'assurer la production de 46 millions de billets et d'assurer la mise en circulation de 120 millions de pièces de monnaies. Certes, nous avons veillé à la qualité de la production.
Nous devons donner corps au concept de monnaie unique par la mise à disposition d'un public de plus de 300 millions de citoyens, de billets et pièces qu'ils puissent quotidiennement utiliser avec commodité et confiance.
La confiance du public n'est pas le fruit du hasard. Elle se mérite.
Les billets sont acquis par le public auprès de la Banque centrale. Ils ne sont pas imposés ; ils répondent bien à une demande.
Le montant émis fait l'objet d'une inscription au passif des comptes de la Banque centrale. Jadis, cette dette de la Banque centrale permettait au porteur d'obtenir en échange des monnaies d'or et d'argent.
Aujourd'hui, les billets tirent leur force et leur attrait d'une part, du cours légal qui leur est reconnu par le Traité dans l'ensemble de la zone euro et d'autre part, de la commodité de leur usage.
Dans notre régime de liberté des modes de paiement, le succès du billet dépend de son attrait pour le public. Sans doute a-t-il beaucoup pour séduire.
Les signes monétaires, avec leur cours légal, offrent le moyen de paiement efficace par excellence ; ils sont universellement acceptés.
Les billets bénéficient d'un environnement légal qui en garantit la protection juridique par un jeu complet de normes européennes et nationales, mises en oeuvres par les autorités spécialisées.
Chaque billet est aussi une prouesse technique, artistique et commerciale. Les nouveaux billets sont conçus pour résister aux faussaires les plus avertis.
Information, efficacité, sécurité sont les maîtres mots de notre campagne qui, conformément au sens militaire du terme, est conduite à la fois sur le champ logistique et sur le champ de la communication.
La Banque centrale a pris les dispositions adéquates pour l'alimentation effective et en temps opportun des opérateurs économiques. Elle s'est assurée à cette fin la protection des Forces de l'Ordre et le concours des entreprises spécialisées de transport et de sécurité. L'inauguration, dans les temps voulus, des nouveaux immeubles de notre Banque centrale, est déjà à cet égard, un élément de la réussite. Certes, de nombreux efforts nous attendent. Nous savons que l'euro, de par son succès et son utilisation mondiale, court des risques particuliers. Notre devoir est d'y parer. Il s'agit notamment d'entamer le programme de formation des caissiers et autres professionnels qui doivent pouvoir immédiatement reconnaître et tester l'authenticité des signes monétaires. Il s'agit aussi, dans le cadre du système de détection, d'analyse et d'information au sein des Banques centrales, sous le couvert des législations internationales, européennes et nationales, d'assurer une répression efficace de tout acte de falsification ou de contrefaçon.
Les défis
Mesdames, Messieurs, l'euro est un puissant facteur de transparence. Tout dérapage sera à l'avenir rapidement sanctionné. Nous n'avons pas droit à l'erreur dans le face à face aux défis qui sont les nôtres.
Dois-je évoquer les nécessités de réformes structurelles et institutionnelles et de renforcement de la stabilité et de la croissance de la zone euro, condition importante pour assurer une intégration harmonieuse de nouveaux partenaires ?
L'Europe progresse et s'élargit ; il faut veiller à ce que les nouveaux développements respectent les strictes exigences qui ont conditionné la réalisation de l'Union monétaire et qui sont à maintenir.
Au sein du grand marché, il s'impose de garantir la compétitivité des économies, ce qui pose un problème particulier pour l'économie luxembourgeoise.
En ces temps de volatilité financière, d'incertitude et dans le respect de notre mission de base, il nous incombe de veiller à éviter tout dérapage dans le domaine de l'inflation.
La Banque centrale compte, pour éviter l'augmentation des prix, sur la vigilance des autorités politiques, sur le comportement responsable des producteurs et sur l'exemple donné par les administrations publiques. C'est par le respect de ces équilibres que la monnaie unique permettra à l'Union européenne de faire face aux nombreux défis qui l'attendent encore.
Mesdames et Messieurs, notre message ce soir est un message de vigilance et de confiance. Plus que jamais, le passage à l'euro apparaît comme une étape essentielle tant pour l'Europe que pour la Place de Luxembourg.
L'euro, notre monnaie, nous pouvons en être fiers.