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21/ Avis de la BCL sur le projet de budget 2023 et le projet de loi de programmation pluriannuelle 2022-2026

6 décembre 2022

Post de Gaston Reinesch, Gouverneur de la BCL

 

La BCL a présenté le 5 décembre 2022 son Avis sur le projet de budget 2023 et la loi de programmation financière pluriannuelle 2022-2026 dont nous reprenons les premières pages d'introduction.

"Avant la crise financière de 2008-2009, la croissance annuelle du PIB en volume du Luxembourg s’est établie à 4,6 % en moyenne (sur la période 2000-2007). Le rythme de croissance du PIB a ensuite été quasiment nul en moyenne annuelle au cours des cinq années suivantes, avant de rebondir à un rythme de croissance annuel moyen de 2,6 % entre 2013 et 2019[1].

La crise financière a fait suite à une période de croissance très élevée au niveau mondial. Elle a eu son origine aux Etats-Unis et s’est rapidement répandue à l’Union européenne, bien que l’incidence n’était pas la même sur toutes les économies. Ex post, il s’est révélé que les dynamiques de croissance dans plusieurs pays n’étaient pas soutenables, entre autres dans les pays qui avaient connu une effervescence de leurs marchés financiers, de leurs marchés immobiliers ou un déséquilibre de leurs finances publiques. En général, cela s’est soldé par un décrochage du PIB lors de la crise financière et un ralentissement abrupt lors de la période de correction de ces déséquilibres. Le Luxembourg avait sans doute bénéficié, de manière indirecte et à travers son secteur financier et l’ouverture de son économie, de la très forte croissance au niveau mondial qui l’avait précédée.

Au cours de l’année 2020, marquée par la pandémie de COVID-19, le recul du PIB en volume s’est établi à 0,8 %. Il s’agit de la baisse la plus importante observée depuis la récession de 2009 (- 3,2 %). Néanmoins, l’économie du Luxembourg a fait preuve d’une résilience certaine par rapport à ses principaux partenaires économiques et compte tenu de l’ampleur de la crise sanitaire à laquelle il a fallu faire face. A titre d’exemple, le PIB en volume de la zone euro a reculé de 6,2 % en 2020. La reprise économique 2021 a généré une croissance du PIB en volume de 5,1 % au Luxembourg et de 5,2 % dans la zone euro.

Contrairement à la crise financière de 2008-2009 et de la période post-crise de très faible croissance, l’économie luxembourgeoise aurait donc plutôt bien résisté lors de la pandémie. Cette résilience durant l’année 2020 peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Premièrement, l’économie mondiale a dû faire face à une crise sanitaire et par ricochet à une crise économique qui, heureusement, n’a pas donné naissance à une crise financière. De ce fait, l’industrie des services financiers ne s’est pas retrouvée au centre de la tourmente, comme cela avait été le cas lors de la récession mondiale de 2009 ou lors de la crise de la dette souveraine en 2012. Deuxièmement, la structure spécifique de l’économie luxembourgeoise s’est avérée favorable par rapport aux effets de cette crise, ce qui a permis au Luxembourg de limiter les pertes économiques. Le recours massif au télétravail, dès le début de la pandémie, a permis à plusieurs branches de services, notamment le secteur financier et les services aux entreprises, de continuer à fonctionner de manière quasi-normale. Evidemment, et malgré le maintien de l’ouverture des frontières, plusieurs branches (construction, hôtellerie-construction, industrie, commerce) ont subi de plein fouet les mesures de confinement et de restriction mises en place pour contrer la progression de la pandémie. De manière générale, l’économie du Luxembourg n’étant pas fortement dépendante du tourisme, elle n’a pas souffert outre-mesure des mesures mises en place pour empêcher la propagation du virus. Troisièmement, les mesures budgétaires mises en place sur une période très longue, notamment le chômage partiel élargi et le congé familial exceptionnel, ont permis d’assouplir le choc sur les salariés et les entreprises qui, sans ces mesures, se serait soldé par un accroissement du nombre faillites d’entreprises et de pertes d’emplois considérables.

Enfin, la politique monétaire très accommodante mise en place par la Banque centrale européenne (BCE) dès mars 2020, dans le cadre de son mandat de stabilité des prix et dans un contexte où l’inflation a déjà été trop peu élevée[2], et à la vue des premiers signes d’une crise économique d’envergure exceptionnelle dans le sillage de la crise pandémique, d’une détérioration et d’une fragmentation des conditions de financement de l’économie réelle et des risques réels de déstabilisation du système financier, a contribué significativement à une stabilisation de l’économie de la zone euro et à une stabilisation du système financier, tout en évitant une crise financière, dont le risque a été imminent à la mi-mars 2020.

Partant, la BCE s’est vue amener à élargir et à approfondir très rapidement et massivement - à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles - ses instruments de politique monétaire et cela, afin de préserver les mécanismes de transmission de la politique monétaire et d’assurer une liquidité suffisante du système financier de la zone euro, d’éviter une détérioration des conditions financières et de soutenir l’économie réelle.

Aussi a-t-elle notamment introduit un programme temporaire d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP, « Pandemic emergency purchase programme »)[3], des opérations de refinancement à long terme exceptionnelles et très favorables[4], des mesures d’assouplissement de ses exigences de garanties[5], et des mesures jointes - concertées - avec d’autres banques centrales afin de fournir des liquidités en euros et d’améliorer l’approvisionnement de la zone euro, notamment en dollars des Etats-Unis[6].

Cette politique monétaire a eu également des effets très bénéfiques pour l’économie luxembourgeoise, premièrement, de par sa dépendance en tant que très petite économie ouverte d’exportations vers la zone euro et donc de la demande globale de cette dernière et deuxièmement, de par l’importance d’une stabilité financière globale pour l’assisse et le développement des activités financières qui contribuent de manière significative aux agrégats macroéconomiques, notamment le PIB et l’emploi.

Si donc l’économie du Luxembourg est sortie relativement indemne des chocs économiques importants déclenchés de par la pandémie, il n’en reste pas moins que les mesures de soutien budgétaire ont eu un coût considérable qui a eu pour effet de gonfler la dette publique. La récente période rappelle aussi qu’une petite économie ouverte n’est jamais à l’abri de chocs ou de crises externes qui peuvent être de nature différente. S’il n’est pas possible de prévoir de tels chocs ou crises, il doit néanmoins être toujours assuré de pouvoir contrer les effets négatifs de ces derniers au travers d’une politique budgétaire adéquate et ce, avec toute la vigueur alors nécessaire. Ceci ne pourra être réalisé que si les finances publiques sont et restent saines. Il est aussi important de participer pleinement au rebond économique une fois le choc ou la crise dissipés. Ceci présuppose une absence de déséquilibres macroéconomiques dont la correction pourrait prolonger inutilement les effets négatifs du choc initial."

Nous remercions les trois chefs de section Olivier Delobbe (Finances publiques), Yves Eschette (Conjoncture) et Paolo Guarda (Etudes) ainsi que leurs équipes respectives pour la rédaction de cet avis.

 

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[1] Les données les plus récentes de la comptabilité nationale concernent l’année 2021 et datent d’octobre 2022.

[2] En février et en mars 2020, le taux d’inflation annuel de l’IPCH pour la zone euro s’est élevé à respectivement 1,2 % et 0,7%.

[3] À la mi-mars 2020, la BCE a introduit son programme temporaire d’achats d’urgence face à la pandémie (« Pandemic emergency purchase programme », PEPP) afin de faire face aux risques graves que faisait peser l’épidémie de coronavirus sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire et les perspectives économiques de la zone euro. Afin d’assurer que tous les secteurs de l’économie puissent bénéficier de conditions de financement favorables leur permettant d’absorber le choc, les achats dans le cadre du PEPP portent sur un éventail d’actifs très large, tels que les titres du secteur public, les titres du secteur des entreprises, les billets de trésorerie du secteur non‑financier, les obligations sécurisées ainsi que les titres adossés à des actifs. Les achats dans le cadre du PEPP sont réalisés de façon flexible, permettant des fluctuations dans la distribution des flux d’achats au fil du temps, d’une catégorie d’actifs à l’autre et entre les différentes juridictions en fonction des risques qui pesaient sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire et sur les perspectives économiques. L’enveloppe totale du PEPP, initialement calibrée à 750 milliards d’euros, a été élargie à plusieurs reprises, pour finalement être fixée à un total de 1 850 milliards d’euros, soit l’équivalent d’environ 16 % du PIB de la zone euro en 2020. Alors que les achats nets liés à ce programme ont cessé fin mars 2022, la BCE entend réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance, acquis dans le cadre du programme, au moins jusqu’à la fin de 2024. Dans tous les cas, le futur dénouement du portefeuille PEPP sera géré de façon à éviter toute interférence avec l’orientation adéquate de la politique monétaire.

[4] Le PEPP a été complété par plusieurs assouplissements des conditions des opérations de refinancement à plus long terme ciblées (« targeted longer-term refinancing operations », TLTRO III) permettant aux banques d’obtenir des liquidités pour accorder des prêts aux ménages et entreprises subissant le plus durement les effets de la propagation du coronavirus. Non seulement la BCE a augmenté le nombre des opérations ainsi que le montant d’emprunt autorisé, mais elle a aussi baissé à deux reprises le taux d’intérêt appliqué à l’ensemble des opérations TLTRO III afin de soutenir encore davantage l’économie réelle. Pour les contreparties (les banques) dont le montant net de prêts éligibles atteignait un seuil prédéterminé en matière d’octroi de prêts, le taux d’intérêt appliqué à toutes les TLTRO III en cours sur la période allant de juin 2020 à juin 2022 était inférieur de 50 points de base au taux d’intérêt moyen de la facilité de dépôt en vigueur sur la même période (à savoir -0,5 %). Étant donné que dans le cadre du système à deux paliers pour la rémunération des excédents de liquidité - en vigueur entre octobre 2019 et juillet 2022 - une partie des excédents de liquidités était non soumise au taux négatif de la facilité de dépôt, ces banques pouvaient emprunter à un taux d’intérêt inférieur jusque 100 points de base par rapport au taux d’intérêt de 0 % appliqué à une partie de leur excédent de liquidités.

De plus, afin de soutenir la liquidité du système financier de la zone euro et de préserver le bon fonctionnement du marché monétaire durant la pandémie en fournissant un filet de sécurité effectif, la BCE a conduit une série d’opérations de refinancement à plus long terme d’urgence face à la pandémie (« pandemic emergency longer-term refinancing operations », PELTRO) à des conditions très accommodantes et effectuées par voie d’appels d’offre à taux fixe, la totalité des soumissions étant servie.

[5] Afin de préserver la liquidité du système financier de la zone euro, d’atténuer le durcissement des conditions financières et de soutenir le crédit à l’économie réelle, la BCE a aussi pris un ensemble sans précédent de mesures temporaires d’assouplissement des garanties, telles qu’une réduction générale des décotes appliquées aux garanties ainsi qu’une hausse temporaire de la tolérance au risque de l’Eurosystème.

[6] La BCE a introduit et/ou renforcé ses lignes de swap avec d’autres banques centrales comme facilités permanentes remplissant la fonction importante de filet de sécurité pour réduire les tensions sur les marchés de financement internationaux et contribuer par la même occasion à atténuer les effets de ces dernières sur l’offre de crédits aux ménages et aux entreprises.